SÉJOUR AU SKI ✤ la ferme.

D'accord, j'avoue, je suis coupable. J'ai chauffé Louis dans le télésiège pour qu'on s'envoie en l'air. C'est un bon coup, fallait l'avouer. Et un bon pote, aussi. Alors j'avais fait mon caca nerveux pour qu'il m'accompagne à la ferme pour l'activité du jour. On allait pouvoir s'improviser fermiers pendant un jour, j'avais trop hâte de pousser les autres dans les bouses de vaches ou bien prendre en flagrant délit les propriétés en train de baiser sur les bottes de foin. J'avais enfilé un gros pull, un jean slim et ma grosse parka kaki, les températures étaient loin d'être les mêmes qu'à Bristol. J'avais justement l'impression d'être au pôle nord. En cours de route, on aperçoit même des geysers, c'était trop classe. « Putain Louis, regarde ! » Je pointe du doigt le paysage, toute excitée et pousse un cri quand le jet d'eau semble toucher le ciel. « Wouha. C'était comme si une baleine venait d'avoir un orgasme. Ou bien que tout les vikings jouissaient en même temps. » Puis j'avais remis mon bonnet sur la tête, trop sur le cul face à cette découverte.

Sur place, je dois troquer mes bottes fourrées pour des bottes de fermière en caoutchouc, le truc bien immonde. J'aperçois même une crotte collée dessus. Mais pour une fois, je fais pas de manière, j'enfile le tout et je cours pour attraper un seau. « Je veux traire les vaches ! » Il fallait bien s'occuper en attendant que les autres arrivent, non ?

Une journée au ski avec Chuck, c'est pas facile. Faut suivre son rythme, même dans le télésiège. D'ailleurs, celui-ci n'était pas passé à grand chose de se décrocher et de finir sur la piste en dessous.  Vous aviez failli vous casser la gueule plusieurs fois, et si tout le monde vous voyait, ça n'avait pas l'air de la déranger. Bref, tu t'en étais sorti, et voilà qu'elle voulait te traîner dans une ferme. Sérieusement ? Elle est gentille Chuck, elle est bonne dans tous les sens du terme, mais qu'est-ce que t'allais pouvoir foutre à la ferme ? Enfin, tu avais fini par craquer, c'est bien parce que c'était elle. Une journée, ça devait pouvoir se faire. T'avais essayé de dormir un peu sur le trajet, histoire de profiter des derniers moments de tranquillité. Mais voilà qu'un cri aigu te transperça les tympans, juste à côté de toi. " Putain Chuck tu.. " Tu laissais ta phrase en suspens et ouvrit de grands yeux, comme un gamin émerveillé. Elle avait raison, c'était beau, les geysers. Tu éclatais de rire. Elle avait un avenir tout tracé dans la poésie, c'était certain. Tout juste arrivé, tu t'empressais de te changer, enfilant une immonde paire de bottes toutes boueuses. C'était ça, ou tu perdais tes jolies docs à tout jamais. Elles auraient fini avalées par le sol. Ouais, la montagne, la nature et les odeurs animales, c'est pas vraiment ton truc. Ça l'a jamais été, en fait, c'est bien pour ça que t'habites à Bristol. Une fois prêt, tu rejoins Chuck, apparemment déjà très motivée par la situation. Traire des vaches, t'avais jamais essayé, et ça te tentait pas plus que ça. Mais bon. " Ouais ? T'es sûre ? " En tournant la tête, tu aperçois quelques vaches dans un enclos. Tu escalades la barrière et tente de monter sur la première, elle a l'air plutôt calme, tu te dis que ça risque rien. " Hey Chuck ! Pose ton seau, ramène-toi on va faire du rodéo ! "   Tu lui lançais un petit regard coquin et restait planté sur ta vache. Ah ouais, t'avais oublié le petit cachet de ce matin pour mieux faire passer le temps. Pour l'instant, il faisait bien effet...

T'as rien foutu du séjour depuis que t'es arrivée. Tu sais pas skier. T'as passé ton temps entre la clope, la gym et tes colocs. Et à ne pas penser à l'autre con tatoué aussi. T'avais décidé de passer à l'activité de la ferme. Ça te rappelle des souvenirs de gosses. Des bons comme les mauvais. Tu changes tes docs pour tes bottes. C'est pas glam', ta doudoune violette ne l'est pas non plus. Mais on s'en fout. Tu vois deux ombres près des vaches. Chuck et Louis. Tu t'approches silencieusement et passes un bras autour de la taille de la première pour poser un bisous sur sa joue. Et te désintéresses du deuxième, refusant de poser ne serait-ce qu'un œil sur lui. T'entres dans le pré à côté des vaches. Une jument noire s'approche et tu lui caresses l'encolure, le sourire aux lèvres. T'écoutes distraitement leurs conversations. Vous vous êtes jamais demandé ce que voulait vraiment faire le mec qui à découvert le lait ? Tu lances un clin d'oeil à Chuck, quand tu sens qu'un chevreau te mordille le bout de ta botte. Tu le soulèves pour le prendre dans tes bras. Il est presque aussi mignon que toi Chuck. Au moment où tu relèves les yeux vers la vache et Louis qui lui servait de cavalier, elle se décide à faire du rodéo. Tu te mords la lèvre pour ne pas rigoler. Alors que Louis fait un magnifique saut de l'ange et finit dans la boue. Tu pourrais nous refaire la même chose. Cette fois on te filme !

Telle une fermière professionnelle, je dépose un seau sous l'une des vaches en me mettant accroupie histoire d'y voir plus clair à cette histoire. Tête penchée, je remonte mes manches et je touche du bout des doigts les mamelles de la vache. C'était tout.. mou. Et humide. J'appuie dessus, m'inspirant des dessins-animés de mon enfance mais rien ne sort. Au même moment, Louis décide de sauter par dessus la clôture et de faire du rodéo sur la pauvre bête. Je me redresse, les mains posées sur la taille, après avoir hésité une petite minute. Mais je finis par secouer la tête. « Attends, je crois pas que ce soit une bonne idée. J'ai l'impression qu'elle va couler un bronze, faudrait pas la déconcentrer. » Il n'y a rien de plus frustrant d'être dérangé quand on chie, pas vrai ? J'entends alors une voix plus que familière qui me ramène à la réalité et quand je me retourne, c'est Jules que je vois, une mini-chèvre dans les bras. J'aurais adoré la ramener à la maison mais je crois pas que les colocs seraient d'accord pour une deuxième chèvre dans le jardin. « Putain mais c'est vrai... » Révélation ! Qu'est-ce que ce mec avait bien voulu faire en touchant les mamelles de cette vache ? Je regarde Jules d'un air horrifié en imaginant le scénario que ça pouvait donner. C'est ensuite au tour de la quatrième personne de débarquer. Avec des bottes jaune poussin. Je sautille jusqu'au mec, qui semble dans un état secondaire, pour pouvoir inspecter ses bottes de plus prêt tout en poussant des cris. « La chaaaance. Moi, la grognasse m'a refilé les bottes les plus crades. J'arrive pas à retirer la crotte collée dessus. » Je me redresse ensuite, au meilleur moment : Louis fait un magnifique vol plané pour atterrir dans une flaque de boue. Énorme.

La vache a pas l'air super contente, en fait. Même carrément pas. Ils sont trois à se foutre de ta gueule. Chuck qui tire bizarrement sur les pis de la vache, Jules et son chevreau, et puis un mec un peu étrange avec des bottes jaunes fluo. Le tableau est magnifique. Tout est parfait, jusqu'à ce que ton bovin en ait marre et t'envoie la tête la première dans la boue, à quelques mètres de là. C'était pas une si bonne idée, après coup. Tu te relèves avec difficulté, le visage recouvert d'une substance étrange. T'aurais presque envie de pleurer, mais au lieu de ça, tu t'écroules de rire sur la barrière, pas très en état. La vache est à nouveau calme, mais t'as plus trop envie de faire du rodéo, c'est pas fait pour toi ce truc-là. Tu t'enfuis de l'enclos et court comme un détraqué entre les chèvres, entendant tout juste ce que les autres disent. Tu vas t'asseoir sur un rocher et te frotte le visage avec le premier truc que tu trouves, c'est-à-dire de la paille. Mauvaise idée. Ça n'arrange rien, pire, tu t'étales de la boue partout. En grognant quelques insultes, tu t'approches discrètement d'une petite chèvre et appuie ton visage sur sa fourrure, ça ne peut que marcher. Ils t'ont vu. Toi, accroupi dans ce bordel, essayant de faire partir les saletés. Merde, tu dois avoir l'air étrange... " C'est parce qu'elle est douce. "