SPEED DATING ✤ gina & kenny.

quand je me suis inscrite aux speed-datings du barman, c'était avant son article. ce mec, ou cette meuf on sait pas en fait, c'est un enculé. un fils de putain. un fouteur de merde. au début j'me disais, nan, j'irai pas, m'en bas les couilles. puis j'étais seule chez moi, à rien foutre, alors finalement je me suis dit : allez. comme je vais croiser un inconnu, faut que je sois à bloc belle, genre un canon. en espérant qu'il soit beau aussi. que mon déplacement ne serve pas à rien. je choisis des dessous sensuels. je me fais faire un soin la veille. et je m'habille en bombe. presque comme si j'allais sortir. mais non j'vais pas me geler oh, j'prends ma fourrure, la grosse, la noire. et on se met en route. le barman a dit : bristol east. et ça m'inquiète un peu. surtout pour la bm. c'est les quartiers qui craignent là-bas. mais dans quoi je me suis embarquée ? plus je me rapproche plus les rues sont bidons, genre on se croirait dans le queens ma gueule. c'est tendu. dans un coin pas trop exposé je me gare. le gps dit qu'on est arrivé. je me recoiffe un peu, pour que le chignon soit parfait. j'sais pas encore qui c'est mais il va craquer le mec, genre crise cardiaque. quelques pas plus loin, une enseigne : sexy dance. de la danse ? mais c'est mythique, c'est ça le rendez-vous ? trop bien, trop.. oh non. ah non c'est une blague. c'est du foutage de gueule. c'est pas vrai ? kenny ? ah non me dis pas c'est toi mon rencard ! qui je vois arriver, tranquille, tout sourire ? ken. ce petit con de barman nous a collé ensemble. j'vais l'enculer ce mec un jour. j'te jure je l'aurais.

C'est le fameux jour, celui du speed-dating. Tu te fais tout beau, petite chemise, parfum des grandes occasions. Tu t'es brossé les dents pendant au moins dix minutes, sans rire. T'as même pensé à acheter une rose, pour faire genre t'es romantique. Obligé tu pécho ton rancard, sinon c'est pas drôle. T'es un peu pressé de voir à quoi elle ressemble, autant dire que si la tarte aux pommes de ce matin était plus attirante, tu feras demi-tour direct. Tu débarques dans ta caisse, un peu choqué de voir que votre rendez-vous est là, dans ce quartier de merde. Y'a rien à faire, ici. Si? De la danse? Oh, c'est une blague. Tu te débrouilles comme un manche à balais, t'as vraiment pas le rythme dans la peau et tout le monde le sait. Bon, au moins ton déhanché la fera sûrement rire, et comme le veut le proverbe : femme qui rit, à moitié dans ton lit, c'est déjà ça. La demoiselle se fait attendre. Alors? Blonde, brune, rouquine? Gros pare choc ou œufs sur le plat? Gina? Gina. Tu souris comme un con. Le barman est un beau salaud. Elle arrive, déglutissant rapidement en te reconnaissant. « kenny ? ah non me dis pas c'est toi mon rencard ! » Toujours aussi provocante. Et sexy. Sauf que toi, dans tout ça, t'es un peu dans la merde, car premièrement : t'as un mini-andy sur l'épaule qui te chuchote au creux de l'oreille qu'il va te niquer ta mère, et deuxièmement : dans tes souvenirs, Gina danse comme Beyoncé. Quoique, t'étais bourré ce soir là. « faut croire que si ! » T'as la rose derrière le dos, tu sais pas quoi en faire. Elle va se foutre de ta gueule, c'est sûr. Tu finis par lui coller entre les mains. « j'voulais me la jouer romantique, je l'avoue. mais je savais pas que ça tomberait sur toi. » T'éclates de rire comme un connard, la regardant de haut en bas avec un sourire en coin. « toujours aussi belle. j'te jure. tu serais un chaton, je t'adopterais direct. »

va pas croire que ça me met en crise de le voir lui. non. on s'est expliqué depuis l'histoire. bon oui il a cafté tout ça, avant l'article, mais j'ai un peu réagi comme une tarée. j'ai défoncé la porte des chiottes pour le choper quand même. c'est du pur gina ça. les espagnoles ont le sang chaud, je n'y peux rien. bref, maintenant on est cool. seulement aujourd'hui je comptais me taper le date, là, ça va plus trop être possible. sinon, ça risque de faire des histoires encore. et ce sale con de barman sera au courant si on ken. j'suis sûre il a mis des caméras dans tous les coins ce vicieux. faut croire que si ! bon beh, pas trop le choix. nan mais en vrai c'est pas grave, ça va être drôle je le sens. parce que ma main au feu que kenny il sait pas danser. il va être épique ce moment, légendaire même. je vois qu'il cache un truc derrière lui et c'est, une rose. j'voulais me la jouer romantique, je l'avoue. mais je savais pas que ça tomberait sur toi. gros gros fou rire. je me plis en deux. il a voulu faire le mec et tout, genre gentleman alors que, c'est pas du tout lui. ah non je craque, t'es le vrai, y'en a pas deux comme toi ken. je me calme un peu, séchant mes larmes. il m'a faite pleuré ouais, à ce point. toujours aussi belle. j'te jure. tu serais un chaton, je t'adopterais direct. je fais la moue, avant de déposer un bisou sur sa joue. tu peux m'adopter, même si j'suis pas un chaton. et merci pour la rose. c'est ma fleur préférée. j'aime son odeur, ses pétales. pourtant c'est la fleur de l'amour à ce qu'on dit. va comprendre toi. j'avance jusqu'à la porte de la salle de danse. on va se régaler. tu viens ? à l'intérieur, un peu de monde. mais des gens très fréquentables. enfin je juge pas, mais le truc c'est qu'on va faire tâche. moi avec mon chignon, ma tenue et mes talons, kenny avec sa chemise. en plus avec ma fourrure. tout le monde se tourne et nous regarde, j'suis un peu gênée. mon rendez-vous me rejoint, et devant la foule de gens louche qui nous dévisagent, je glisse à son oreille, discretos : oh pire si c'est d'la merde, j'ai de l'herbe dans ma pochette.

Gigi elle part direct en fou rire en comprenant que t'as voulu faire le lover, et tu ne peux que rire avec elle. « ça aurait été une autre meuf elle serait direct tombé dans le panneau tu sais ? » Elle te connait trop bien, y'a rien à dire de plus. C'est le genre de meuf à vite cerner les gens et puis dans le fond, t'es pas difficile comprendre comme mec. Un peu con, un peu charmeur, une queue à la place du cerveau. Gigi, elle, c'est pas pareil. Elle renvoie l'image d'une femme sûre d'elle-même, provocante, libre, mais cette attitude cache sûrement des mystères. Tu connais pas sa vie dans le fond. Ça se trouve elle a eu un mec violent, une mère alcoolique, un père un peu trop absent. C'est dur de savoir, mais tu l'adopterais direct comme tu dis. Elle te fait un petit bisou sur la joue. C'est sûrement la première fois. C'est plutôt drôle, mais moins bien que sur la bouche à vrai dire. « tu viens ? » Panique à bord. C'est l'heure de danser. Tu regardes autour de toi, souriant de toutes tes dents. « oui-euh..non, 'fin.. ouais-ouais, j'arrive. » Gigi elle rentre direct, elle te laisse pas le temps d'hésiter, du coup tu la suis en marchant un peu à reculons, faisant tes adieux au peu de dignité qu'il te reste. Vous pénétrez dans la grande salle et t'as limite la mâchoire qui se déboite. Mattez moi ces cas sociaux. « oh pire si c'est d'la merde, j'ai de l'herbe dans ma pochette. » qu'elle te chuchote à l'oreille. Il en faut pas moins pour te motiver. Tu fais quelques pas en avant, te craquant les doigts. Tu tournes en rond, balayant la salle du regard. « oh. on dirait bien que c'est d'la merde ! » Ça fait même pas une minute que vous êtes entrés que tu l'entraînes déjà à l'extérieur, riant comme un bouffon. « vas-y, on fume avant. ce sera grave bénéfique sur ma façon de danser, tu verras, j'te ferais même le porté de dirty dancing. »

nan mais ça craint là. il a trouvé que là à nous emmener l'autre ? carrément t'as un couple de vieux chinois qui font trois pas en avant, trois pas en avant en arrière, sans rien faire d'autre. un portos et sa femme qui croient danser la salsa. trois autres couples de retraités, et une black, énorme, qui trimballe un p'tit blanc dans toute la salle. pour sûr qu'au pieu, c'est elle qui est dessus. mon dieu le pauvre. kenny est comme moi. il balise. oh. on dirait bien que c'est d'la merde ! de la grosse même. en deux secondes je me retrouve dehors avec lui. on s'est échappé il le fallait. vas-y, on fume avant. ce sera grave bénéfique sur ma façon de danser, tu verras, j'te ferais même le porté de dirty dancing. autant alors. c'est un coup à me casser quelque chose ça. ouais compte là-dessus. pas question de rester dans la rue. trop risqué. les flics doivent tourner dix fois par jour ici tellement c'est dangereux. on va donc dans ma voiture. oklm, dans la bm comme j'aime à le dire. de ma pochette je sors le gros pétard. et je l'éclate. c'est quand même un bel enfoiré ce barman. t'as vu tout ce qu'il a dit sur moi et andy ? d'où il sort ça, c'est un malade. genre je suis amoureuse t'sais. je me rends pas compte, mais entre chaque phrase je tire une taffe, puis une autre. j'oublie que kenny va fumer dessus aussi. et je m'arrête pas de parler. des sentiments, l'est drôle lui. si j'avais eu des sentiments j'me serais pas taper toi, j'me serais pas taper wade. j'ai pas de sentiments moi, moi j'suis une femme libre moi. j'avais oublié la dose d'herbe que contenait le oinj. une grande dose. et à midi j'avais pas mangé. je te laisse deviner le résultat. ça picote aux bout des doigts. la tête tourne. les yeux tombent. j'suis complètement dèf frère. c'est dur. tu me crois pas j'suis sûr. tu veux une preuve ? tiens. et d'un coup, sans pression aucune, je me penche, et je lui chope la bouche. mais genre quoi, deux secondes ? allez trois, pour savourer. tu vois ? m'en-bas-les-couilles. là je réalise que je me suis enfilée la moitié du bédo, donc je le passe enfin à kenny, en le regardant, toute souriante de zénitude. bon, on va valser ?

Je saute dans la bm, pressé de goûter aux plantes médicinales de gigi. Le pét est déjà roulé. C'est genre un bob énorme, beau comme un camion. « c'est quand même un bel enfoiré ce barman. t'as vu tout ce qu'il a dit sur moi et andy ? d'où il sort ça, c'est un malade. genre je suis amoureuse t'sais. » Elle commence à parler sans s'arrêter, descendant le oinj. « non, j't'ai déjà dit que je lisais pas ses articles à la con. de toute façon il raconte que des cracs ce mec. » Au fur et à mesure, la voiture se transforme en aqua. Tu respires sa fumée, buvant ses paroles. « des sentiments, l'est drôle lui. si j'avais eu des sentiments j'me serais pas taper toi, j'me serais pas taper wade. j'ai pas de sentiments moi, moi j'suis une femme libre moi. » T'as toujours eu des doutes là-dessus. Pour toi y'avait au moins 3% de chances que Gina soit -un peu- amoureuse, vu ce qu'Andy racontait, vu leurs façons d'agir. « m'ouais. » Et elle passait son temps à le démentir, c'était ça, le pire. Tu regardes à travers les vitres teintées, déjà à moitié en train de planer à cause du nuage de fumée qui vous entoure. « tu me crois pas j'suis sûr. tu veux une preuve ? tiens. » Bam. Elle se penche sur toi, attrape tes lèvres. Tu souris comme un bouffon, surpris. «  tu vois ? m'en-bas-les-couilles. » Tu sais pas quoi dire, t'es plutôt satisfait en fait, et ça, ça ne présage rien de bon. Elle te le file enfin, tu commences à fumer, pensif. « non, j'ai pas bien vu en fait, faudra que tu me re-montres. » Tu tires, tu fais des ronds, la regardant avec ton sourire à la con. bon, on va valser ? Ça y est, il est terminé. T'es bien. Super bien. T'envoies le mégot à mille lieux de là, ou plutôt quelques mètres. C'est pareil. « j'suis plus danse du robot, mais bon, c'est comme tu le sens. » Tu la suis à l’intérieur. Les détraqués ont laissé place à une dizaine de couple de retraités en pleine valse. Le prof se jette sur vous et vous invite pas à entrer dans la danse, non, il vous force. Après vous avoir débarrassé de vos vestes, il place tes mains correctement sur gigi, fait pareil avec elle alors tu pouffes de rire comme un idiot. Ta mains sur sa hanche qui s'amuse à descendre un peu, l'autre dans la sienne et on est tipar! Ta mission du jour : ne pas lui écraser les pieds. Oups. Et merde.

dans le turfu. c'est le mot. j'me sens tourner sur moi même. c'est tendu. je fais presque pas attention à ce qu'il raconte. je me contente de sourire et d'essayer de garder la tête droite, de pas m'écrouler. je laisse kenny finir, qu'il se mette bien lui aussi quand même. qu'on soit au même étage sinon la conversation ça va être chaud. la conversation ? que dis-je, la danse. mon dieu, on va vraiment danser là ? mais je vais jamais y arriver. j'vais me manger à coup sûr. comme une merde, devant toutes les mémés et pépés de la salle. j'suis plus danse du robot, mais bon, c'est comme tu le sens. ah non mais là si on danse comme les robots les gens ils vont nous regarder et se dire " c'est qui ces fous ? " ce serait à bloc drôle. mais la valse c'est mieux. enfin, s'ils font bien de la valse. on sort de la bm et le nuage de thc nous suit. ça va, c'est pas cramé. franchement monter les quatre marches en talons, c'est dur. heureusement, je me tiens à ken. à peine à l'intérieur on se fait réquisition, manipuler comme des pantins par le moustachu qui se prétend prof. et on se lance. main dans la main. l'autre qui se balade un peu, mais je dis rien. je le regarde, tout sourire, dans les vapes. et on vient juste de commencer qu'il m'écrase déjà le pied. uuuhm, putain kenny.. me mordant la lèvre. faux pas crier, pas se faire remarquer. et on tourne, on valse. j'ai trop du mal. il m'a niqué le pied. à la base, les partenaires doivent pas se toucher, mais j'suis tellement high je commence à m'affaler sur lui, la tête dans le creux de son cou. c'est plus une valse c'est un slow. ken, retiens-moi. ken, je.. je glisse.. kenny je glisse.. sérieux, j'arrive plus. j'arrive plus à tenir debout. là faut qu'il soit mon pilier, faut qu'il me retienne sinon je vais tomber, comme une crêpe. une crêpe ginette même.

Gigi elle commence à fondre, ou plutôt, à s’effondrer. Juste là, au creux de tes bras. Comme si la fatigue avait raison d'elle. Tu la retiens, fermement, continuant à faire des pas de côtés, un à gauche, un à droite, en rythme ou presque. T'es mort de rire, mais tu la laisses pas glisser, t'es pas un bâtard. Tu la retiens, tu gères le truc jusqu'à ce que le prof commence à taper dans ses mains, annonçant que c'est la fin de l'heure, et là, tu comprends que comme vous étiez arrivés genre dix minutes avant, vous aviez à peu près trois quarts d'heure de retard. Le mec vient vers vous. Tu relâches Gina vite fait, juste le temps de lui attraper les épaules pour la soutenir un peu. Tu laisses même pas le temps au moustachu d'ouvrir la bouche. « bon, bah.. merci, hein ! c'était grave enrichissant tout ça ! on va y aller ! hein gigi ! » Le mec te met un stop direct et vous explique que d'ici vingt minutes, il y aura un cours de zumba à l'étage, et de salsa ici, et que c'est compris dans le forfait du speed-dating payé par la commune. Il a peur de pas être payé, il vous relâche pas. Il insiste, parle sans s'arrêter. « ouais ouais ouais, c'est bon, on a compris. sinon vous avez des toilettes? » Il vous montre une pièce à l'autre bout et tu poses ton regard sur Ginette. « T'es dans le maaaaal. » Tu touches son visage, trop choqué. « allez viens là ! » Tu veux la faire monter sur ton dos mais t'imagines bien que sa petite jupe noire risque de remonter. Du coup, tu la prends dans tes bras comme un vrai prince et l'emmène jusqu'aux chiottes avant de la poser sur le plan de travail avec les lavabos incrustés dedans, face aux miroirs. On pourrait croire que tu vas lui sauter dessus, mais t'as juste envie de te poser un peu et de récupérer pour l'instant, surtout que t'as jamais eu les yeux aussi rouges, limite on croirait t'as chialé. C'est tentant, forcément, mais tu sais c'est mal. « alors? zumba ou salsa? » chuchotes-tu en te tournant vers elle avant d'éclater de rire, pas tout à fait sûr qu'elle soit motivée.

heureusement qu'il est là, heureusement qu'il me tient. comment je ferais sinon ? je serais déjà par terre, à comater, avec la bave et tout. c'est dur, vraiment. parce que je sens le bad arriver. d'un coup tout s'arrête et j'entends kenny qui discute avec l'autre moustachu. mais il veut quoi lui ? il peut pas fermer sa gueule et nous laisser tranquille ? je comprends même pas ce qu'ils disent tellement je suis en coupée/décalée du monde. t'es dans le maaaaal. je suis pire que mal même. je suis au bord du rouleau, au bout du gouffre. nan, attends, c'est pas ça. si ? oui c'est ça. bref, ça ne va pas du tout. allez viens là ! trop chou, il me porte. genre comme le marié il porte sa femme. et je me laisse tomber, complètement. plus la force de quoi que ce soit. on arrive aux toilettes et il me pose sur le comptoir des lavabos. c'est pas confortable mais ça ira. j'suis une vraie larve, molle, un déchet. je me tiens la tête, les yeux fermés. tout tourne en mode toupie dans mon esprit. alors ? zumba ou salsa ? il est pas sérieux là, si ? quoooi ? ah non mais là c'est mort kenny, c'est mort mort mort, je bouge pas de là avant dix ans. l'autre il va se faire voir avec sa moustache, j'suis défoncée. et c'est vrai, je suis au plus mal, je me tortille et geins pour me plaindre. sauf que je bouge un peu trop, et en deux temps trois mouvements, je me retrouve part terre. woooow ! et boum, clap, le son de la claque. celui du carrelage sur ma gueule. aaaaaïe. une catastrophe je suis, un boucan. c'est pas possible. ça fait super mal. ce roulé boulé m'a achevé. je vois des étoiles, des étincelles tout partout.