SPEED DATING ✤ adriana & andy.

Oh, la gueule de merde. Tu plisses les yeux devant ton miroir, tu grimaces face aux dégâts de la veille. Encore dans un état second, tu envisages carrément de devenir moine bouddhiste, d'habiter seul dans une montagne et de ne plus jamais boire une goutte d'alcool. L'effet est ravageur, et comme on le dit souvent chez vous, t'as la tête dans le cul. Putain, t'avais pourtant promis que tu serais frais, beau gosse, et tout, pour ton rendez-vous. Dans ta tête, c'était sûr : le barman t'a choisi une bombe, la plus belle des participantes. Kenny passe sa tête à travers la porte de ta chambre avec son sourire de con. Le pari, c'est vrai, le fameux pari ! Pécho le rencard. L'emballer comme elle n'aura jamais emballer un mec. Easy. Beaucoup trop facile. Bon, peut-être pas avec ta gueule de lendemain de soirée. La douche s'imposait, bien froide pour te remettre les idées en place. Et ensuite, tu te prépares : tenue décontractée, part de pizza mangée à la volée, brossage de dents, emmerdage quotidien de Keeran, tu chopes les clés de ton van et tu sors en sifflotant comme un gamin. Sur le chemin, tu essayes de conduire le plus normalement possible, t'aimerais pas te retrouver au commissariat à devoir partager ta cellule avec une tarée, comme la dernière fois. Mais tu te soupçonnes toi même d'être encore bourré, ça craint. Tu grilles un feu et tu te gares près du resto, n'importe comment. La Marina, c'est limite une deuxième moment. Tu prends un malin plaisir à regarder Chuck en train de bosser pendant que toi, tu sirotes un cocktail sur la terrasse. D'ailleurs, t'es en train de te demander si ce serait pas elle, ton rencard. T'avais cru comprendre que la moitié de la maison s'était inscrite aux speed-dating pour déconner. Pour vous les mecs, c'était comme ça du moins. Les filles, elles, attendaient peut-être le prince charmant. À Bristol, ça risquait d'être compliqué. Bref, tu t'approches de la terrasse près de la rivière, il fait beau en plus, il commence à faire chaud, l'été approche à grands pas. Les souvenirs des dernières grandes vacances te reviennent en mémoire : les soirées au lac, les feux de joie, l'Ecosse, le Brésil.. Bah tiens, voilà ta brésilienne préférée. « Ady, qu'est-ce que tu fais là ? » Tu demandes, en tirant la chaise libre en face d'elle pour pouvoir t'y installer comme si cette place t'était destinée. « Fallait que je te dise. Le barman a raconté n'importe quoi dans son article, j'ai jamais dit ça sur Kaya, je te le jure. » T'aurais pas pu dire ça, t'aurais pas pu faire ça. Pas à Adriana, pas à Kenny non plus. Depuis la bagarre, à la fin de l'été, tu t'étais promis de ne plus te mettre dans la merde avec eux, avec ceux qui comptent vraiment. « T'attends que Chuck finisse son service ? Vous allez où après ? » Parce que pour elles, tu pourrais tout lâcher, tout plaquer. Même si ça se voit pas forcément tout les jours. Alors, là, tu souris un peu bêtement, tu te sens con et heureux.

Qui n’a jamais rêvé du prince charmant, celui qui apparemment sait comment chevaucher un étalon, réciter par cœur des poèmes et braver les plus grands obstacles qui se présentent à lui. Probablement toutes les filles, enfin celles qui aiment le genre cheval blanc et charabia romantique.  Mais aujourd’hui, dans l’époque où l’on vit, le prince charmant se révèle beaucoup moins évident à identifier, jusqu’au point où on douterait même de son existence. On se dit qu’il a un sens de l’orientation pratiquement inefficace et qu’il s’est égaré quelque part, dans un parc, une grande ville ou l’épicerie. Toutes les hypothèses sont bonnes pour se convaincre que quelqu’un nous est prédestiné, qu’un jour il apparaîtra comme un mirage devant nous et qu’on saura que cette personne est la bonne. « Ady, qu'est-ce que tu fais là ? » Je releva les yeux de mon café lorsque j'entendis cette voix familière. Comment l'oublier, elle a hanté mes nuits durant tellement longtemps. Avant même que j'ai le temps de répondre, Andy pris place sur la chaise libre, en face de moi. « Fallait que je te dise. Le barman a raconté n'importe quoi dans son article, j'ai jamais dit ça sur Kaya, je te le jure. » Je détourna le regard en direction de la rivière, ne sachant plus réellement où regarder. « Depuis quand est-ce que tu me donnes des explications? Tu me dois rien, Andy. » J'attendais plus rien de lui, depuis cette fameuse nuit où je lui avais tout avoué. Cette fameuse nuit où je lui ai dit que je l'aimais et que je n'avais jamais cessé de l'aimer. Cette nuit où j'espérais désespérément l'entendre me dire ces trois mots que j'avais toujours rêver d'entendre, mais qu'il n'a jamais été capable de prononcer.  « T'attends que Chuck finisse son service ? Vous allez où après ? » Je planta difficilement mes yeux dans les siens durant quelques secondes tout en arquant un sourcil. « Qu'est-ce que tu racontes? J'attend pas Chuck. » J'en avais marre d'attendre que mon rancard se pointe, alors sans réellement m'en rendre compte, je passais ma mauvaise humeur sur Andy. Étrangement, ça me soulageait. Je soupira bruyamment en regardant autour de moi pour la dixième fois, avant de me lever rapidement, laissant ainsi Andy apercevoir mon accoutrement à la fois sexy et décontracté que j'avais achetée pour l'occasion. « J'avais rancard ici, pour le speed dating. Mais j'ai bien l'impression que je me suis fait poser un lapin.. » Je choppa mon sac à main, tout en me passant une main dans les cheveux « T'as qu'à attendre Chuck, elle termine bientôt son service. Moi, je crois que je vais rentrer. » J'haussa les épaules et je commença à partir après avoir lancer un dernier regard à Andy.