◮ Ce matin va être une pure soirée.

it's hard to walk away from the best of days.

C'est dans ce genre de moment que j'envie Keeran d'avoir dormi chez son nouveau mec. C'est aussi dans ce genre de moment que je regrette de ne plus vivre chez mes parents qui me chouchoutaient comme une princesse. Ici, les réveils ne sont pas synonymes de chants d'oiseaux, de douce brise matinale, de silence reposant. Non, non, non, ici c'est bel et bien la jungle. La loi du plus fort. Et en l’occurrence, les mecs pensent vraiment être le sexe dominant à la baraque. Le cri strident d'Adriana résonne dans toute la maison, m'obligeant forcément à ouvrir les yeux face à cette alarme. C'est le signe que la guerre est officiellement déclarée. Une guerre quasi hebdomadaire. Alors, par automatisme, je regarde l'heure sur mon téléphone : 9 heures du mat', les gars. J'ose même pas compter mes heures de sommeil du week-end. Comme une folle, je me tape la tête contre mon oreiller pour étouffer un hurlement, en fait je suis sur le point de muter et de me transformer en Hulk. Mais là, plus de temps à perdre, les moindres secondes comptent. Au moment où je veux sortir de mon lit, je glisse sur le skate d'Andy, celui qu'il oublie tout le temps de ma chambre. Forcément, je m'improvise gymnaste d'un jour et je tombe en grand écart sur le plancher. Et là, je n'ai qu'une chose en tête : les gars sont morts. Oui, parce que forcément, il n'y a qu'eux pour faire les cons aussi tôt le matin. J'attrape fermement ma poignée de porte et je tombe nez à nez avec Adam, son sourire vicieux aux lèvres, qui s’apprêtait sans aucun doute à tester une de ses blagues douteuses sur moi, pendant mon sommeil. « Oh, t'es mort ! » Attaque ultime : Adam presse comme un dingue sur le dentifrice en ma direction mais il s'étale plutôt sur le parquet. Limite blasée, je regarde par terre et je plains la personne qui devra nettoyer ça après. Et ce ne sera sûrement pas moi, j'ai payé une manucure hors de prix il y a quelques jours à peine. Adam me ramène à la réalité en me perçant le tympan à coup de vuvuzela. Il ne m'en faut pas plus pour m'élancer à sa poursuite. S'il y a deux personnes qui se courent toujours après dans cette baraque, c'est ce merdeux et moi. À force, je peux carrément parier que je connais des recoins de la maison encore secrets pour les autres. Bon, en parlant de cette course poursuite, Adam est plus rapide que moi, il me fait tourner en rond. Du coup, en cours de route, je remarque Kenny qui tente de traverser un couloir discrètement, sur la pointe des pieds. Trop tard, mon joli ! Je me penche et ramasse la première pantoufle que je trouve. Coup de chance, la semelle est hyper dure. Du coup, je la lance de toutes mes forces en sa direction. Et double coup de chance, il se la prend dans les bijoux de famille. Je retiens ma respiration, la bouche grande ouverte, hésitante à me prendre un énorme fou rire. Par précaution, je préfère prendre la fuite parce que c'est clair que je vais morfler. Je fonce en direction de la cuisine, je fouille dans le frigo et je trouve un vieux pot de confiture maison. Le genre de pot que je n'ai jamais touché. Le pot que ma grand-mère m'a envoyé il y a.. deux ans. Je savais qu'il servirait à quelque chose un jour. Tel un joueur de rugby, je planque le pot qui contient une drôle de substance sous mon bras, et je repars à la recherche d'Adam. Tiens, le voilà, prêt du canapé. Sans réfléchir, je fonce en sa direction, je me casse la gueule, il se fout de ma gueule, je me redresse pour lui choper les poignets. Comme dans les films d'action, il lutte pendant que l'arme du crime (la confiture) roule sur le tapis. « Si tu savais à quel point je suis raide dingue de tooooi. » Je surjoue la scène en me faisant passer pour la groupie de service, à la voix bien niaise et bien aiguë. De toutes mes forces, je pousse Adam contre l'accoudoir sans lui lâcher les mains et il finit par basculer en arrière. Comme une lionne, je lui monte dessus en riant aux éclats, pour l'immobiliser. Ceci n'est pas un viol, je répète : ceci n'est pas un viol. Quoi que.. Non, j'ai rien dit ! Le mater par le trou de la serrure avec les autres filles quand il prend sa douche, c'est amplement suffisant. « C'est qui l'patron maintenant ? » Alors j'arrête de le regarder de mon habituel air de prédatrice, je me penche sur le côté pour attraper le pot et je le renverse sur la tête d'Adam. Un pur chef d’œuvre.