(IMOGEN) and if my tears are made of blood ?

J’ai merdé, j’ai merdé. Putain c’est trop fort, j’arrête pas de me le dire depuis que j’ai quitté Peyton parce que j’ai couché avec Adonis. Je sais pas où j’en suis, c’est atroce, tous les jours j’ai l’impression d’avoir foutu ma vie en l’air et que je fou en l’air celles des autres. Encore que je foute la merde dans la mienne c’est rien, je suis un cas désespéré de la société, mais le fait que je… détruise celle des gens dont je suis proche m’a toujours insupporté. Je suis pas bien depuis une semaine, pourtant je fais comme si de rien n’était, j’ai fait une soirée avec les potes, c’est parti en couilles, comme d’habitude, mais je pensais que ça irait mieux après. J’me suis planté, comme toujours. Putain, tout va mal dans ma putain de vie, c’est comme une musique de merde qui reste en écoute automatique, t’aimerais la changer, mais t’y arrive pas putain, c’est là que tu te dis que t’es une grosse merde et que tu foires tout ce qui se passe. C’est trop dur à supporter parfois, et je sens toutes mes certitudes s’envoler, et dans ces cas-là j’ai juste envie de parler à cœur ouvert, mais à qui ? Putain à qui ?

J’attrape ma veste en jean, mon paquet de clopes, les clefs de la maison et je décide de sortir, il est vingt heures, j’ai pas mangé tant pis. Je mets mes rangers déglinguées et prend un peu d’argent au cas où avant de me diriger vers la porte de la maison. « Maman, j’pars au quai, j’ai besoin de marcher. » En gros je sors parce que je vais pas bien. Ma mère sait décrypter mes mots, elle a toujours su le faire, j’ai jamais été aussi proche de quelqu’un dans ma vie, mais depuis deux ans, elle ne me reconnaît plus, elle sait que ça va pas bien, mais elle n’ose pas demander, je la comprends, elle serait choquée d’apprendre tout, choquée de savoir à quel point elle a fait un raté. Je claque la porte derrière moi et me mets à courir, juste pour échapper deux ou trois minutes à tout ça, à ce qui se passe dans ma vie, à ce qui me ronge petit à petit parce que j’ai trop de choses sur le cœur. Je suis avec Adonis, mon cousin. J’ai quitté Peyton parce que je l’ai trompé avec Adonis. J’ai couché avec Adonis quand j’avais seize ans. Putain tout tourne autour de lui, c’est de trop. J’ai pensé à en finir une bonne fois pour toute, à arrêter tout simplement de vivre, mais je n’ai pas pu. J’ai même pas les couilles de le faire. A chaque fois je me reprends et pleure parce que c’est trop dur. Et Emrys débarque, putain, je peux rien lui dire, j’ai droit de rien dire à personne, parce que c’est affreux.

Rapidement j’arrive au quai, et j’arrête de courir, parce que ça sert à rien, fuir n’a jamais rien arrangé, parce que quand on fuit, tout nous retombe à un moment ou à un autre sur la gueule. Mes pieds traînent au sol, comme si j’avais un boulet de bagnard accroché aux deux chevilles. C’est ça, je suis prisonnier de mes sentiments et c’est ça qui me bouffe de l’intérieur en réalité. Je finis par m’asseoir sur le bord, les pieds dans le vide, la tête dans le vent qui me caresse le visage et ébouriffe mes cheveux. Sans le vouloir, les larmes coulent, sans que je ne sache si c’est le vent ou si c’est parce que je n’en peux plus. Mes doigts se portent à mon paquet de clopes pour en sortir une et l’allumer tout en tremblant comme une feuille. La fumée me relaxe un petit peu, quand même et là tu te dis que tout peut tenir à une expiration, que si tu la lâches, ça va revenir de plus belle. Mais c’est trop tard, tu succombes parce que c’est finis. Les larmes descendent sur mes joues et je sais très bien que c’est pas le vent, c’est toi qui pleure. C’est finis, c’est pour ça que je veux ne plus vivre. Mais là j’entends des bruits de pas derrière moi, puis une toux que je reconnaîtrais entre milles. « Salut Imo’… » Je sais très bien que c’est elle, c’est obligé. Mes doigts viennent essuyer mes yeux et je me rends compte que ça sert fichtrement à rien, parce que je pleure toujours, sans aucun sanglot, mes larmes coulent c’est tout, et je sais très bien que si je pourrais, elles seraient rouges comme mon sang.