Nora & Killian | Because maybe you're gonna be the one that saves me

Le réveil était toujours douloureux, arrivant souvent en plein milieu d’un rêve –ou d’un cauchemar- qu’il faisait pratiquement toutes les nuits. Il revoyait son visage. Eugenie était toujours là, un an après sa mort, elle le hantait encore. Peut-être que c’était dû autant au manque qu’à la culpabilité. L’un ou l’autre, il se réveillait toujours en sursaut, après avoir vu sa petite-amie rendre son dernier soupir, en rêve. Ca lui faisait toujours aussi mal au cœur, il avait toujours envie de vomir au réveil. Il mettait un moment à se souvenir que tout ça était bien plus qu’un cauchemar. Il ouvrait les yeux et s’attendait presque à la voir à ses côtés, toujours endormie. Et chaque matin, la déception était la même : elle n’était plus là, il était seul, dans ce lit trop grand pour lui. Il n’avait toujours pas envie de se lever. Il s’asseyait néanmoins sur son lit et passait une main sur son visage, les cheveux ébouriffés à souhait, pas vraiment remis de ce rêve. Les minutes passèrent lentement alors que la paresse l’empêchait de poser le premier pied à terre. Il s’exécuta finalement et s’approcha de sa commode comme un automatisme, admirant les cadres posés dessus l’un après l’autre. Elle souriait tellement, toujours pleine de vie, et dans bien des cas plus forte qu’il ne l’était. Peut-être que s’il avait été à sa place, ce jour-là, s’il était mort et qu’elle avait survécu, elle s’en serait remis plus facilement. Il ne le saurait malheureusement jamais. Son regard dériva sur ses vêtements, toujours accrochés à la penderie comme si elle était encore là. Il faudrait qu’il s’en débarrasse un jour, mais ça lui faisait mal. Puis finalement, il se mit à fixer le petit boîtier posé au milieu des cadres photos. Il se demandait toujours si elle aurait dit oui. Il prit l’objet et l’ouvrit, redécouvrant pour la millième fois au moins la bague se trouvant à l’intérieur. Il l’avait si bien choisie. Il soupira alors, puis referma le boîtier avant de le reposer, laissant ses doigts s’attarder quelques instants sur sa texture veloutée, avant de détourner le regard et se diriger vers la pièce principale.

Ca faisait environ quatre mois que Nora avait emménagé ici, et elle avait interdiction absolue d’approcher sa chambre, sous peine de mort –non, peut-être pas à ce point-là, mais c’était dangereux, quand même, d’enfreindre cette règle. Nora amenait de la joie dans cet appartement qui en manquait cruellement, elle lui réchauffait le cœur alors qu’il semblait avoir été laissé pour mort un soir d’hiver glacial. La saint-Valentin était passée depuis déjà quelques temps, réveillant de douloureux souvenirs, et il s’était enfermé toute la journée et toute la nuit dans sa chambre sans en sortir, pas même pour manger ou boire, préférant rester seul que d’avoir à expliquer pourquoi ce jour l’affectait autant. Nora n’était pas au courant et tant mieux, au moins une qui ne le voyait pas dépressif. Non, elle, c’était encore mieux, elle le voyait gay. Il n’avait toujours pas osé lui dire qu’il ne l’était pas, par simple peur qu’elle ne le gifle et claque la porte en hurlant qu’il n’était qu’un vieux pervers. Plus le temps passait, plus cette situation allait être inévitable. Il passa devant la petite salle à manger et remarqua la vaisselle qu’avait utilisée Nora pour son petit-déjeuner, toujours là, et non rangée et lavée. Il soupira, et, maniaque comme il était, ne put s’empêcher de débarrasser et faire la vaisselle à sa place. C’était assez drôle, à quel point ils étaient différents. Dans un sens, on aurait pu dire qu’ils se complétaient. Il esquissa un léger sourire à cette pensée mais se rétracta bien vite en secouant la tête. C’était ridicule, comme pensée. Il s’essuya les mains après la vaisselle faite, puis se rendit à la salle de bain, toujours torse nu, un bas de survêtement lui servant de pyjama. Il n’avait pas entendu l’eau de la douche couler, ou le robinet s’arrêter, ni même Nora chantonner, comme elle avait souvent l’habitude de faire, au grand damne du jeune homme.

Il posa sa main sur la poignée de porte, et lorsqu’il l’ouvrit, tomba nez à nez avec Nora, qui s’apprêtait à sortir, en serviette. L’ayant brutalement bousculée, il tâcha de s’excuser, les joues déjà rougies de la voir aussi peu vêtue. « Oh ! Excuse-moi, je…euh…Je pensais que tu étais dans ta chambre.. ! » Au même moment, la serviette de la jeune femme tomba à ses pieds, laissant apparaître son corps nu sous les yeux de Killian, qui tourna rouge pivoine en une fraction de seconde, ne pouvant s’empêcher durant une demi-seconde d’admirer la vue. « Ah ! Aaah ! AH ! » Il posa immédiatement sa main devant ses yeux et détourna la tête, une moue gênée à la bouche. « D…Désolé ! Je… Ah ! Je… Je vais y aller ! » Il referma aussitôt la porte de la salle de bain et passa sa main sur son visage pour tenter de retrouver son calme, son cœur menaçant de le lâcher à la moindre seconde. Il s’adossa alors contre le mur et souffla, décidément bouleversé par ce qu’il venait de voir.

Sa colocation avec Nora était plutôt compliquée, en tout cas pour lui. Elle le pensait gay, et prenait alors un malin plaisir à se balader sans pudeur dans l’appartement, qu’il soit là ou non. Elle ne semblait avoir aucune gêne aucune honte. Pourtant, il n’était pas homosexuel, et Nora ne le laissait pas indifférent. Il ne profitait pourtant pas de la situation, il n’était pas comme ça, mais il n’osait tout simplement pas lui dire la vérité aujourd’hui, après plusieurs mois de colocation déjà… Il avait tellement peur de sa réaction… Et il fallait dire que cette situation l’arrangeait parfois. Au moins, ça l’obligeait à tenir ses distances, à résister. De cette manière, il pouvait ruminer ses souvenirs en paix, faire son deuil à sa manière, très lentement, désespérément. Il n’arrivait toujours pas à tourner la page, après plus d’un an déjà. La mort de Gen restait gravée en lui comme une blessure indélébile, il ignorait encore comment il pourrait un jour s’en remettre, se lever le matin sans cette sensation de manque, dormir en paix, sans ces incessants cauchemars. Il était persuadé que Nora l’avait déjà entendu hurler dans son sommeil, mais n’en parlait jamais. Il n’avait pas envie qu’elle sache ce qui lui était arrivé, comme un besoin de la tenir à distance pour ne pas que la présence de Gen s’efface. Il se doutait déjà du pouvoir que Nora pourrait avoir sur lui s’il la laissait faire, il avait un aperçu tous les jours, lorsqu’il la croisait, lorsqu’elle lui parlait ou lui souriait. Il avait si peur de laisser la place à quelqu’un d’autre et d’oublier celle qui avait tant compté, il avait peur de sentir sa présence s’effacer et constater que finalement, une autre prenait bien plus de place qu’elle. Retranché dans ses angoisses, il omettait la vérité, laissant Nora croire à ce que son esprit lui avait fait imaginer, même si la situation était difficile pour lui.

Ce matin n’était en rien différent des autres, il s’était réveillé en sursaut après un énième cauchemar, toujours le même, avait mis un temps infini à se lever, redécouvrant encore et encore la bague de fiançailles qu’elle n’avait jamais pu voir, à se demander une nouvelle fois ce qu’elle aurait répondu, s’ils se seraient finalement mariés, s’ils auraient été heureux. Tant de questions restées sans réponses. Il ne faisait que regretter ce qu’ils n’avaient pas pu avoir, sans jamais avancer, enfermé dans sa bulle nostalgique, malgré tout ce qu’il faisait pour en sortir. Rien que l’idée de se débarrasser des vêtements de Gen lui était insupportable. Il avait fini par sortir de sa chambre, seulement vêtu du jogging qui lui servait de pyjama, avait fait la vaisselle que Nora n’avait vraisemblablement pas faite, et, au moment d’aller dans la salle de bain, était tombé nez à nez avec sa colocataire, en serviette, sortant du bain. Il s’excusa immédiatement, mais au même moment, le seul vêtement de la jeune femme tomba sur le sol, révélant ainsi son corps intégralement nu devant lui. Il y eut un silence gêné pendant lequel il tourna rouge pivoine, troublé par le spectacle qui s’offrait à lui, puis il reprit ses esprits et s’excusa encore, bafouillant comme il en avait malheureusement l’habitude, et referma aussitôt la porte avant de s’adosses contre le mur, perturbé. Bon sang, cette colocation allait le tuer. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, l’image qu’il avait eu à peine le temps d’enregistrer refusant de sortir de son esprit.

Il ne fallut pas bien longtemps à Nora pour sortir et immédiatement, il se redressa, l’air de rien même si son teint rougeâtre laissait filtrer ses pensées. Il fit un effort surhumain pour ne pas la regarder bizarrement et rit nerveusement à sa remarque. « Ah ah !! Ah ! Ca… Ca va ! C’est rien... juste… Je m’attendais pas à… » Il fit un geste de la main la désignant, puis se pinça les lèvres et détourna la tête. « Rien… » Il baissa la tête et se décolla du mur, s’éloignant de Nora pour éviter toute autre situation délicate, mais elle n’en avait pas fini avec lui. Il se retourna lorsqu’elle attira son attention sur son dos, les cheveux relevés, la nuque découverte… Killian recula, perturbé, puis se heurta à la bibliothèque, qui, sous le choc, laissa tomber quelques livres qui atterrirent un à un sur la tête du jeune homme. A peine le temps de comprendre ce qui lui arrivait qu’il était déjà par terre, ayant bêtement trébuché sur un des livres, la tête ayant brutalement heurté la bibliothèque lors de sa chute. Encore une fois, il se ridiculisait. « Aïe… » Il se frotta l’arrière de la tête, et sentit une vive douleur à l’endroit où la bois avait cogné contre celle-ci. « Désolé… Je vais ranger… » C’était un vrai chantier à présent, tout ça à cause de sa timidité, de sa gêne. Il regarda ensuite sa main et s’aperçut que du sang avait coulé, il vérifia une seconde fois s’il s’agissait bien de ça, puis fronça les sourcils. « Tu aurais du désinfectant ? » La tête lui tournait, mais ça ne semblait pas extrêmement grave, juste un petit choc un peu brusque, ce n’était pas comme si le sang coulait abondamment, mais tout de même. Il se sentait mal, pris de vertiges, mais s’efforçait de garder les yeux ouverts. Tout ça, parce qu’elle avait laissé tomber sa serviette !