take me to church (nouk&eddie)

il fait nuit, dehors. il fait encore frais dans l'obscurité de bristol. adossée à un mur de la vieille église, j'attends patiemment, cigarette encore en vie, bout de cancer entre mes lèvres gercées qui ne me tuera pas tant que les flammes ne le toucheront pas. combustion mortelle, mais tellement bénéfique quand la vie devient amère. un courant d'air nocturne passe sous ma jupe noire et me fait frissonner. et ces frissons, ils remontent sur mes cuisses, arpentent mes reins et finissent dans ma nuque. je souffle et mon soupir se perd. tempie, tempie, grande tempie, dépêche toi. je suis là. j'attends cette tête brune, celle qui me sert d'amie, mon amie de partout et d'ailleurs. je l'attends parce que ce soir, on va faire n'importe quoi. un n'importe quoi à notre manière, signé nouk et eddie. pas une grosse fête comme tout le monde fait, non. nous, on aime l'original. et ce soir, ce sera notre fête. notre alcool, nos conneries, notre jeunesse.

bras croisées sur ma poitrine, je plisse les yeux, cherchant à reconnaître une silhouette parmi la foule. je tape des pieds sur le gravier, mes doc's fleuries s'amusent à le chatouiller, ce gravier foulé par des milliers de gens. simples passants, prêtres, croyants, adolescents, enfants, ou vieillards qui puisent leur force en la parole de ce bonhomme sur son piloris sanglant, sa croix clouée. mon regard se pose sur le  bâtiment à l'architecture ancienne. dans le pénombre, il est imposant, bâtiment magnifique. mais moi, il me fait penser à tout ces dimanches que j'ai passé assise sur une de ses chaises, à entendre un vieux bonhomme parler, parler, tandis que moi je rêvais que d'une chose : courir, m'envoler. je voulais une liberté sans faille, et à la place, j'étais enchaînée. gamine restreinte, à vivre dans un monde d’aristocrates ennuyeux. ce monde là, je lui ai crié, (à)dieu. adieu. et me voilà, à bristol.
adieu monde pourri, mélancolie, coups de blues et coups de fils, et bonjour églises nocturnes, bonjour fêtes, bonjour liberté chérie.

soudain, je les entends, ses bruits imperceptibles. ses pas. pendant quelques secondes, je crains que ce soit les flics qui viennent me chercher. où encore ansel qui se souvienne de tout. rose qui apprends la vérité. mon sang ne fait qu'un tour, semblant manquant l'étape coeur. mais non. ce n'est ni flics, ni ansel, ni rose. c'est eddie. eda. tempie. elle est là, elle arrive. mon amie. edda ? tempie ? eddie ? je demande, murmures sourds qui semblant faire écho. comme pour me rassurrer. et j'attends sa réponse, craignant la vérité. vérité dans cette nuit noire, nuit parmi tant d'autres.

Plus elle s’enfonce dans les ruelles, plus elle hésite à regarder en arrière. Y en a qui lui en voudraient, qui lui demanderaient d’y repenser à deux fois. Elle a le pack de bières à la main qui abîme ses jolis doigts, les genoux à découvert, la veste accrochée aux hanches, comme une vraie fugitive, une qu’est prête à rabattre une capuche désinvolte contre son faciès dès que vient le jour au dessus des toits. Eddie, elle aime Bristol, elle aime vraiment Bristol. Si elle fuit pas, c’est qu’elle y vit bien, et que y a plus grand chose à attendre, sinon de grandir un peu. Eddie, c’est le chat noir sur les palissades, le clignotement des ampoules au fond de leur sale lampe qu’éclaire les nuits fauves et leurs retours de silence. Tout est calme, tout est calme si bien qu’elle sursaute, quand un trottoir est un peu plus haut qu’un autre, ça lui rappelle avant. Les sorties, après minuit, c’est nouveau, pour être honnête, ou non, c’est juste revenu, faute d’avoir de quoi l’assagir. Sourire railleur quand elle atteint la vieille église, elle se faufile et rase les murs, se prend vraiment au jeu.

Petite elle enfilait des bracelets de force, pour se donner du courage, c’est difficile, avec ses plaies recouvrant la moitié des bras de s’dire qu’elle change et qu’elle se cache plus sous sa couette pour jouer à Zelda. Ah, c’est plus marrant, c’est sûr, de se tenter délinquante. Eddie, pour Anouk, elle ferait tout, pour Anouk, elle volerait, et Anouk, elle l’aiderait à voler, encore, loin, loin si elle a besoin d’y aller. D’s’en aller. Eddie c’est pas une flamme, mais Eddie, elle aime bien voir les sourires se lever sur les meilleurs jours, aussi les pires, ça veut dire qu’on a réussi, un peu, à faire tourner la machine du bonheur. C’est bien, elle la ressent comme ça, Nouk. Si elle part, si elle s’en va, elle est pas bien sûre de tenir debout. Elle est pas bien sûre, d’exister dans les rues comme avant, ou de pas se faire manger, au tournant.

C’est fou, c’n’est qu’un soleil de plus dans son monde, mais à la trouver, les bouteilles s’entrechoquent, au coude qui bute contre ses reins, elle s’arrête, la regarde, un grand sourire grimpant jusque les tempes, une mèche remise, pour se donner du crédit. “LIKE A VIRGIN, TOUCH- FOR THE VERY FIRST TIME !” Oh, Saya, la nuit est pas si fourbe.

la saya en moi, étouffée, enterrée aurait jamais fait ça. la saya de londres serait sagement couchée, à rêvé d'un monde meilleur et libre. mais ce soir, la saya de londres est morte. à la place, c'est nouk, c'est la nouvelle nouk qui a pris sa vie en main, qui s'est tirée à pied de chez elle, vendant ses belles chaussures et ses robes pour partir loin, loin. et loin, ça m'a mené à bristol. ça m'a mené dans les bras de rosie, d'eddie, de tout ses gens qui m'aiment malgré ce qu'ils savent pas. parce que ses gens, ils savent pas qu'en réalité, anouk s'appelle sayann, et que sayann, elle était riche comme crésus, que sa vie, elle était toute tracée. que ma putain de vie, on l'avait déjà dessinée. mais qui a dis que je l'aimais, cette vie ? personne. et en grande gamine égoïste, j'ai tout plaqué.
tout plaqué pour me retrouver dans la nuit noire près d'une église, prête à désacraliser mon âme chaste.

faire la fête, ça a jamais été mon genre. je tiens pas l'alcool, je vomis partout, je danse, danse comme un pied et j'attire personne. alors quand fête il y a, je reste dans mon coin, à regarder comment ce monde est beau, et comment jamais je n'arriverais jamais à y entrer. pourtant, edda, elle m'y a obligé, parfois. parce qu'edda, elle aime bien danser. même si je lui marche sur les pieds. edda, elle me sort de ma bulle. voilà pourquoi je l'aime bien. elle est mignonne. pour elle, je sais pas jusqu'où j'irais, mais je sais que j'irais loin. et si braquer la bourse lui suffit pas -parce que rien lui suffit- alors, on ira plus loin. à pied, à cheval, à la nage ou encore en voiture. mais aujourd'hui, elle lui a juste demander de sortir, alors, sortir, c'est ce que j'ai fais. j'ai sauté de la fenêtre et j'ai marché dans la nuit noire, les cheveux emmêlés au vent, des bleus au cœur et quelques écorchures aux genoux. mais tout ça passe, tout ça s'en va, et au rythme de mes pas, je suis partie vivre une nouvelle aventure. au côté de celle qui ressemble à ma lune dans la nuit noire, mon bout de soleil dans une journée blues. mamzelle tempie.

et lorsqu'elle arrive, tempie dans la nuit noire, c'est mon cœur qui joue du tambour, ma cervelle qui danse la macarena. et, tout con, c'est un sourire qui se dessine. les bières tintent les unes contres les autres, et alors qu'on s'échange regard amusé, c'est eddie qui lance le jeu, c'est la belle qui crie, sans relâche. LIKE A VIRGIN, TOUCH- FOR THE VERY FIRST TIME ! et ça y est, la fête commence. et mon cœur qui bat accompagne ce qui semble être la musique de mon corps, ça pulse, et ça crie LIKE A VIRGIN, WITH YOUR HEARTBEAT- NEXT TO MINE ! ça résonne dans le bâtiment sacré, ça résonne comme une mauvaise prière. mais plus que tout, c'est sûrement la connerie qui nous punira.

Her hair is Harlowe gold
Her lips sweet surprise
Her hands are never cold
She's got Bette Davis eyes

Si les enfants sortent tard, c’est qu’il est temps de fuir. La mâchoire vient claquer dans le silence qui rend l’endroit si particulier, elle a les deux pieds sur les marches, des jambes qui tiennent pas en place. Anouk répond les plus beaux couplets, c’est comme retrouver sa vieille radio au fond d’sa chambre. Un bras se glisse contre son corps, pour l’appeler une première fois. Eddie se tait. Y a la chanson qu’hésite à résonner sous les plafonds timides, mais à la place, le silence les agrippe des épaules aux mollets. Eddie lui sourit. “Désolée de pas être venue plus souvent.”

La phrase retombe à force d’échos sous le grand chapiteau saint, les yeux roulent par terre sur le carrelage austère et les fenêtres claires. Dans le fond il y a le bel autel, Jésus contre sa croix ranimé tous les mois d’Avril, un sourire inexistant sur les lèvres, peut-être un repos bien mérité. C’est tout l’intérêt de ce soir. Arrêter d’penser, arrêter de croire que faut continuer à courir, arrêter de fouiller, de retourner les planètes. Et surtout s’laisser du temps. Tempie ça roule sur la langue d’Anouk comme si rien n’avait changé. Eddie se demande depuis combien d’temps est-ce-que les gens l’appelent comme ça ? Si au final elle commence pas à se confondre à sa jolie ville, si au fond y a pas une chance.

Une bière tendue comme un bonjour, salut, ça va, t’as survécu sans moi ? Eddie, elle a du mal, elle a du mal à suivre ses sourires et à mettre la bonne chanson en lecture, elle aime ses oldies, elle aime les mauvais jeux de basses, les punks mal léchés acharnés sur leurs guitares trois fois trop colorées, leurs coupes brosse ou magenta rebelle. Ah la bonne époque, à laquelle elle aura jamais droit, ça la désole, elle rit, elle chantonne les bouts d’passé qui lui viennent, et en montant le son, elle vient près d’elle. Près de la fille qui continue de croire en ses belles paroles de gamine, adulte en devenir. Les espoirs, aussi, y a sa main qui se pose contre la sienne, elle sent le contact de sa paume électrisant, les ovales qui se croisent et le refrain qui lui revient en tête, pour l’occuper. “Dis ça va si ce soir on squatte pas une soirée ?”

il est minuit, peut-être une heure. il est trop tôt pour la jeunesse nocturne. parce que ce soir, notre reconversion a lieu dans l'église désacralisée par nos chants, nos échos d'une chanson culte. dans le pauv' bâtiment, ça résonne un peu, pas trop quand même, que tout bristol l'entende. les pauvres saintes crieraient bien des choses, si elle savait ce qui se passaient. mais peut-être importe. parce qu'eddie, c'est plus important qu'un sermon mal prononcé. eddie, ce soir, c'est la fête. y'a un bras qui s'faufile, le malin. désolée de pas être venue plus souvent. sa désolation stupide me fait stupidement sourire, sourire en coin dans la nuit noire, avant que je lui lance, espérant pas trop faire d'écho. les dieux te pardonnent ! que je lance, avec une espèce de fausse prestance, les bras en l'air, comme pour chatouiller le ciel et les étoiles.
les étoiles qui brillent et tournent, à chaque battement de cœur. un peu plus distinctement, je les vois me saluer.
saluer mon innocence. admirer mon insolence.

et puis, dans l'joli temple, on échappe plus à la présence de l'eddie, même le monsieur sur sa croix -dieu, mais les dimanches sur des chaises semblables n'sont que des mauvais souvenirs-, semble lever les yeux. sans l'savoir, elle rayonne, d'une aura lumineuse. sans l'savoir, elle a illuminé la nuit, allumette allumée, elle a tracé son chemin à l'encre de mes idées noires, suivi mes pas et retrouver l'mien, d'aura.
pas que j'y croie, mais c'est beau à dire.
mais maintenant la voilà, et, tempie elle tends la bière, et, de mes mains sobres, je l'attrape, la passant de mains en mains, un peu hésitante. puis, la brunette va monter le son, pour faire trembler les murs, la musique de ces gens dont on m'a toujours repoussé, ces colorés joyeux, tandis que moi, je vivais de piano et de robe à froufrous.
mais, personne ne l'sait, tout l'monde s'en fout.
maintenant, la musique, elle nous défonce les tympans. c'est ça le plus important. puis, après le bras fin, c'est les mains qui se touchent et se croisent. ça ne se remarque pas vraiment, mais ça frissonne quand même un peu. alors, pour les occuper, ses mains rebelles, j'arrête de jouer avec l'alcool et ouvre ma bouteille, avant de prendre une gorgée de la boisson blonde. dis ça va si ce soir on squatte pas une soirée ? j'avale, et ça pique un peu.
pas trop, quand même. juste ce qu'il faut. madame voudrait rester à l'église ? mon p'tit rire résonne, rire encore enfantin, qui s'veut adolescent. non sérieux, on est bien là.

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