(louve) you echo through my bruised ribs.

tu devrais dormir à cette heure là. tu devrais dormir. attendre seulement que le bruit des draps froissés à côté de toi te réveille. qu'elle t'enserre de ses bras, se blottisse contre toi. efface les cauchemars d'un soir. t'emmènes en rêve. et qu'il continue le matin, quand t'ouvriras les yeux le matin. sa peau au bout de tes doigts. le bonheur, intense. que t'aurais jamais cru mériter. et tu la mérites toujours pas, t'es convaincu que non. alors t'es là. assis sur le rebord de la fenêtre. bout de cancer pincé entre ton pouce et ton index. un t-shirt sur le dos, pour une fois. fin de clope que tu balances vite fait par la fenêtre, avec toutes les autres, gâchées et enterrées sous l'herbe nouvelle, quand t'entends la porte s'ouvrir. louve aussi, elle a du penser que t'étais sous les draps. loupé. tu la regardes entrer, avec lenteur. c'est peut-être seulement ton cerveau qui déraille, ralenti ton monde pour le mettre à la même vitesse. quelques pas que tu fais sans tanguer. « mon ange. » tu sais pas si t'as le droit de l'embrasser dans cet état, fumée cancéreuse autour de toi. tes lèvres frôlent juste sa joue. en guise de bonjour, bonsoir. attrape sa main.

tu changes un peu, tu oses répondre maintenant, mais ça finit mille fois pire. il a déraillé, t'a balancé comme une poupée de chiffon et tes côtes ont fait crac à la rencontre du bar. dans le milieu, on appelle ça une chute ridicule et douloureuse. du coup, tu t'es barrée, pantelante. t'es rentrée vite fait bien fait. tu pousses la porte, t'as le cœur qui bat la chamade. si cèz voit ça, ça va finir en boucherie. tu veux pas. non. t'as pas envie de perdre ce job. t'as pas envie de prendre d'autres claques. t'as pas envie que ça empire. tu lâches ton sac. détour par la salle de bain, tu tâtes un peu. trois énormes bleus ornent ta peau. on dirait cèzanne à ses débuts. traces laides, jaunâtres, dégradant vers le rouge. une galaxie en mille nuances de couleur dansant sur ta carnation. t'as du mal à respirer, à te mouvoir. mais tu continues à faire comme si de rien n'était, cachant cette aquarelle son ton t-shirt. doucement, tu viens vers lui, pour attraper ses lèvres, avoir cette bouffée d'oxygène que t'as attendu toute la journée. « chaton. » tu te poses sur le lit en serrant les dents, par dessus les couvertures. même elles, elles sont trop lourdes. couchée sur le dos et pas sur le ventre, si tu te tournes, tu vas hurler à la mort. tu fermes déjà les yeux, tu cherches aussi à te justifier. « je suis lessivée. »

tu l'as attendu elle, depuis ce matin, où elle a claqué la porte. tu l'as attendu la sur la fenêtre. tellement classe. t'aurais pu faire mieux cèz. t'essayes tous les jours de faire mieux. t'essayes de la mériter. alors que tu sens que tu seras jamais à la hauteur. sauf si il faut sortir les poings pour elle. là, tu serais de taille. t'as l'impression de former un vieux couple déjà. quand elle attrape tes lèvres, t'appelles de ton magnifique surnom "chaton" et s'étale sur le lit avec douceur. tu la rejoins et sourit amusé. « dommage. » t'avais autre chose en tête, autre chose que de dormir. tes doigts prennent place sur sa cuisse, remonte légèrement. jusqu’à son haut, sans pause, ils tracent leur route. passent en dessous du tissu. s’accommodent à sa température, en continuant d'explorer sa peau. un peu plus vite, un peu plus haut.  

tu fermes les yeux un instant, lointaine. tu fais abstraction de son corps qui vient s'étendre près du tien, de ses doigts qui jouent sur tes cuisses. tu frissonnes déjà, un petit sourire s'installant sur tes lèvres alors que tu plantes ton regard dans le sien. t'es accroc. accroc à ses mains sur ton corps, accroc à ses lèvres. tu te lasses pas de lui. tu rêves de ses vas-et-viens brûlants la nuit. en attendant que tu oses te livrer toute entière. ses mains remontent doucement. tu ne l'empêches pas, te faisant violence pour ne pas gémir. ses doigts frôlent tes côtes et toi tu serres les dents. t'enfermes les grimaces et couinements dans une boîte, morte de peur. t'as pas envie qu'il se mette en colère, cèz. tu l'aimes moins, quand il joue de ses poings. mais lorsque ses mains font pression sur tes côtes en miettes, tu perds ton souffle. tu sais plus respirer, tu sens la crise de panique qui approche alors tu le repousses brusquement. tu le vois dans son regard, qu'il commence à saisir l'essence du problème, tu le sens dans ses gestes, que ça va mal se passer. t'attrapes nerveusement ses poignets et tu te hisses difficilement au dessus de lui, bloquant ses mains au dessus de sa tête. « cèzanne.. »

il y a cette lueur paniquée au fond de ses yeux, ses mains qui te repoussent sans raison apparente. qui te font comprendre, que ça va pas, qu'elle essaye désespérément de te cacher quelque chose. tu le suis du regard, quand elle se hisse sur toi, enserre avec peine tes poignets. tu te refuses à la combattre, à la rejeter, à provoquer plus de douleur. « louve. » un grognement, presque animal. la tendresse envolée, parti au loin. elle a mal, tu supportes pas de la voir là, agonisante, sans savoir quoi faire. « laisse moi voir. » l'hésitation se lit sur son visage. mais elle va te lâcher, elle va le faire, sinon, tu vas devoir forcer. et ça va pas lui plaire. la pression diminue, t'essayes de paraître détendu. comme si c'était possible. doucement, t'attrapes le bas de son haut. le remonte sans toucher sa peau cette fois. assez haut pour voir une galaxie sur sa peau. plus grande, plus douloureuse que celle qui a parcourue ta peau. trop de couleurs indésirables. jamais. jamais t'aurais cru voir une telle horreur s'incruster sur sa peau. tu froisses le tissu entre tes doigts, l'agrippes tellement fort que tu ne serais pas surpris de l'avoir déchiré. faux calme apparent, voix trop doucereuse pour être réelle. « je te jure il est mort. »

il veut découvrir la peinture telle qu'elle est vraiment. tu sombres dans son regard, désespérément. tu relâches pas ses poignets, tu les gardes bien en mains, hésitante, jusqu'à que tu sentes qu'il ne sera jamais docile. il n'a pas envie de forcer, mais il n'hésitera pas longtemps, alors tu le relâches, son grognement résonnant dans tes oreilles, et il lève le rideau. il découvre les bleus et tu restes au dessus de lui, sans bouger, sans plus oser regarder la scène. t'as peur de voir sa réaction, son regard qui va s'assombrir. t'as la chair de poule même. ça tire fort sur le t-shirt, et sa voix retentit encore. tu faiblis, plus tout à fait droite. je te jure il est mort. c'est fini. plus la peine de jouer la comédie, de feindre de ne pas avoir mal. t'as même pas force de protester, pourtant tu continues à faire la forte, comme si c'était rien. la douleur te déchire. tu veux plus voir son visage, persuadée que la colère déforme ses traits. tu te laisses retomber sur le côté, sans aucune douceur, à bout de force. non. tu t’effondres, croisant les bras pour cacher tes côtes. tes bras lourds. trop lourds. tu finis par l'enlever, ce foutu t-shirt, laissant l'air frais te soulager un peu, et tu te planques, tenant fermement l'oreiller contre ton visage. il n'y a de toi plus que ta cage thoracique souillée qui se soulève difficilement à portée de vue. t'es persuadée qu'il est en train de lorgner dessus. tu respires difficilement. tu prends une grande bouffée d'air pour compenser, l'idée du siècle. ça déplace tout là dedans. l'oreiller étouffe ton cri de douleur. « chat-chaton. cèz. fait quelque chose pour moi. j'sais pas. achève-moi. non. va me chercher un verre de vodka. »

hypnotisé, la colère dans l'âme, des bleus au coeur, ébloui par sa voie lactée. tu vois pas ses yeux qui s'éteignent à moitié pour virer de bord. tu vois pas les plumes qui noircissent en sombrant sur le matelas. elle a encore la force d'enlever le bout de tissu. t'étais qu'un petit joueur comparé à elle, aux comètes étalées sur sa peau diaphane. t'es entrain de la perdre. alerte rouge. t'entends à peine les quelques mots qu'elle te glisse à l'oreille. t'aurais plutôt  aimé la prendre dans tes bras, quitte à lui faire mal, qu'elle oublie ses côtes une seconde. « t'achever ? fais gaffe à ce que tu souhaites mon ange. » pourtant t'es là, dans la cuisine, verre de vodka devant toi. comme elle te l'a demandé. obéissant pour une fois. presque. tu sais qu'il lui faudrait la moitié de la bouteille pour oublier qu'elle a heurté les étoiles. pas un seul verre. et toi bien plus pour la voir souffrir autant. c'est pour ça, qui y a deux comprimés blanc. somnifère, calmant. longtemps t'hésites, les jointures blanches à force de serrer le comptoir. tu glisses le premier dans le verre, attends qu'il se dissipe entièrement, avant de revenir auprès de ta belle, le deuxième comprimé dans la main, le verre dans l'autre. tu contournes le lit, rejoint son maigre corps abimé, que tu prends pas le temps de lorgner, t'as pas  le temps pour ça. tu lui tends tes deux trophées, sourire confiant aux lèvres. « tu me fais confiance ? avales ça. » t'as main glisse derrière ses côtes valides, comme tu peux, en lui infligeant le moins de douleur possible, tu la redresses un minimum. tu l'encourages à passer une main autour de toi alors que tes lèvres viennent embrasser le front de la guerrière.

t'attends ton remède, fiévreuse. tu bouges plus. tu ne paniques plus. ça va aller lou, parce que cèz est là, et que tant qu'il sera là, ça ira toujours. il te laissera pas tomber. t'essayes de ne jamais en douter. il arrive enfin. tu te redresses sans sourciller, sans gémir, t'accrochant à peine à lui. tu fais comme si de rien n'était.
« aujourd'hui, oui. » parce qu'il y a des jours où t'as plus confiance. et d'autres où tu laisserais ta vie entre ses mains sans aucune crainte. tu commences par vider le verre d'une traite, laissant un fond pour prendre le cachet que t'as gardé dans la main. ça te chauffe la gorge, ça fait du bien là où ça passe comme on dit. c'est fort, pur. tu tousses. minable. t'as du mal à retrouver ton souffle, une fois de plus- et ça tourne. ça tourne horriblement. tes yeux se ferment tout seuls. mais le cachet est encore dans ta main. il y a un truc louche. tu regardes dans le fond du verre. « qu'est-ce que.. » rire nerveux. tu lâches tout. le verre. le comprimé. ton regard s'éteint, le sommeil te tire en arrière, mais bêtement, tu luttes. dans un ultime effort, tu viens vers lui, tu glisses tes bras autour de son cou. tu te blotties, ou plutôt, tu t'effondres, sans vraiment comprendre. tu retombes contre lui sans grande douceur, laissant ta cage thoracique s'écraser contre la sienne. mais cette fois, tu bronches pas, lou. t'es endormie.