april&kate ϟ love you till it hurts

Kate & April

Cette année, l’hiver était plus rude que les autres, c’est sans doute pour ça qu’Eyva et moi passions notre temps à trouver des endroits où squatter. Par chance, elle avait réussi à dénicher une maison dans la banlieu de Bristol où il n’y avait pas d’alarme, et où les propriétaires étaient en vacances, et certes, même si l’on avait du briser une fenêtre pour rentrer, l’on avait pu en profiter un maximum. Etant donné qu’on ignorait jusqu’à quand nous pourrions y rester, ces derniers temps nous étions de plus en plus sur nos gardes, n’espérant pas les voir rentrer et appeler la police en nous découvrant. Quoi qu’il en soit, ce soir, j’avais fini ma petite représentation au Red Lodge et je comptais donc rejoindre ma meilleure amie, prendre une bonne douche et me coucher, sans doute pour me réveiller une fois de plus en hurlant ou pleurant. Je n’avais pas dormi correctement une seule nuit depuis le suicide de Jack. Eyva comprenait, elle avait une patience admirable malgré les nuits blanches que je pouvais lui infliger.

Je salue donc mon patron qui ne peut s’empêcher de me mettre une claque au cul. Si je n’avais pas autant besoin de son argent je lui aurai déjà certainement foutu la droite que je rêve de lui mettre depuis plus d’un an. Je souris faussement à ce porc, sortant, évitant autant que possible la clientèle déjà bien alcoolisé qui pourrait s’amuser à me faire subir la même chose. Le froid me frappe en plein visage, et à peine ai-je le temps de m’éloigner un peu que quelqu’un me prend et me colle contre un mur de la rue. Le geste fut si brusque qu’il m’assomma légèrement, me faisant lâcher une petite exclamation. Surprise, je fronçais les sourcils. Je serrais les dents en sentant des ongles s’enfoncer dans ma peau, avant de reconnaitre April. «Tu te souviens de moi?» Bien sûr. Comment aurais-je pu l’oublier ? Elle avait gravé ma mémoire. Pour le meilleur comme pour le pire, d’ailleurs. J’hoche la tête silencieusement, préferant d’ores et déjà calculer tout ce que je pourrais lui dire, je savais très bien qu’une mauvaise réponse pouvait devenir rapidement regrettable avec elle. April était une des têtes les plus craintes en prison et c’était non sans raison. Mais elle ne me ferait pas de mal, n’est ce pas ? J’admet ne pas être sûre à 100 %.

Je reste plantée devant elle, assez anxieuse de ces retrouvailles. J’ai le cœur qui tambourine contre ma poitrine, j’essaye d’anticiper la claque ou la droite que je risque de me prendre, et que je n’aurai pas volé.  «Tu m’as déçue Kate, j’espère que tu sauras te faire pardonner… tu sais ce qui arrive quand je suis en colère, hum?» Finalement peut être que je vais y avoir le droit ? Au fond je n’ai pas envie de me battre, si elle veut me refaire le portrait qu’elle se défoule, elle a toutes les raisons de m’en vouloir. C’est vrai, elle m’a sauvé, je l’ai abandonné, je ne suis pas venu la voir une seule fois. Je culpabilise encore pour ça, mais ça ne change rien à ce qui est fait. Je me perds un instant dans la fureur de ses yeux, peut être qu’en temps normal j’aurai eu peur, mais j’étais à moitié morte, un fantôme errant.

« Tu veux bien me laisser s’il te plait ? » lachais-je en essayant doucement de me débattre. « Je sais que tu m’en veux, et c’est ton droit. Qu’est-ce que tu veux, qu’est-ce que je peux faire pour que tu me pardonnes ? »