Il faut boire de la vodka en deux occasions seulement: quand on mange et quand on ne mange pas.

Freja ferma les yeux et se laissa flotter quelques instants. Le bruit ambiant qui l’entourait devenait de plus en plus distant, de plus en plus lointain, de plus en plus irréel, inhumain, lorsque le barman l’interrompit. Retour à la réalité.

« Une Vodka. » réussit-elle à articuler. Sa mâchoire la faisait souffrir dernièrement, et la nuit elle grince des dents. Elle sait qu’elle prend trop de cachets en ce moment.

Le verre glissa jusque devant elle, et elle le fixa longuement, regardant le liquide incolore refléter les néons et lumières qui se perdaient à sa surface. C’était presque joli. Elle remit derrière son oreille une mèche de ses cheveux détachés, et essaya de se concentrer. Son estomac se tordait, grognait, lui aboyait dessus. Machinalement, elle sortit de sa poche un sachet, et prit une des pilules colorées qu’il contenait. Sur sa langue, gorgée de vodka. Ah. Elle laissa sa tête se renverser quelques secondes, puis se ré-accouda au bar. Elle ne savait même plus pourquoi elle avait atterrit ici. Ou si elle était arrivée avec quelqu’un. Elle s’en fichait à vrai dire. Elle siffla son verre et en recommanda un. Puis deux. Puis vous connaissez la suite.
Il en avait toujours été ainsi. La vodka lui tenait chaud, les cachets multicolores la rendaient infatigable, et elle se tenait compagnie. La solitude, c’est cool, ça prend pas la tête, et c’est facile à faire déguerpir quand on en a marre. Et avouez qu’on ne peut pas dire ça de tous les amis. Freja c’était une solitaire, un choix de vie. Elle se leva de son siège, en équilibre sur ses longues jambes fines et se dirigea vers la sortie du bar.
Dehors, le froid lui meurtrissait la peau mais elle ne tremblait pas. Elle alluma un joint, et s’adossa au mur en expirant lentement la fumée blanche épaisse. Elle ne remarqua même pas le boucan qui commença à résonner à côté d’elle.