REPAS DE NOËL ✤ table 1.

Le froid, partout. Dehors, dans ton cœur, entre toi et lui. Les rumeurs courent, font siffler tes oreilles. Ta conscience torturée te ment à toi-même, comme si tout allait bien, mais tes poings s'écrasent sur les murs et sur les joues, celles des autres. L'heure du festin approche. Jolie robe, joli sac, joli talon. Un peu de doré égaye tes yeux sombres. Ta crinière ébène tombe d'un côté, couvrant ton épaule dénudée. Tu veux qu'il craque, que tes craintes disparaissent, elles et leur arrière-goût de rupture. Comment ose-t-il croire un foutu barman plutôt que toi? Même quand tu n'as rien à te reprocher, ou presque, les foudres de Bristol s'abattent sur toi. Vivre ici c'est un peu comme être maudit, tu ne sais jamais ce qui va te tomber sur le coin du nez et chaque évènement est propice au chaos. C'est sûr, cette année, Noël n'y échappera pas. On a une chance sur deux que le Barman nous drogue, éteigne la lumière et vole tout les cadeaux, à moins que ce repas de Noël ne soit qu'un prétexte pour provoquer la troisième guerre mondiale? De toute façon, elle approche. Rien n'est bien moins sûr, si vous continuez à vous ignorer les mots vont finir par sortir un jour, et la colère va tout ravager sur son passage. Ce manque de confiance. Tu lui en veux tellement, tu sais même pas comment réagir. T'as envie de cogner mais tu l'aimes trop, cet idiot.

Tu rentres d'un pas rapide dans la salle des fêtes, fuyant la température glaciale de l'extérieur. Il y a un plan de table? Ah oui, effectivement. D'accord. " table une : Imogen, Liberty, Jayson... Brandon.. Cèzanne." Un rire nerveux t'échappe et tu te diriges vers la dite table. Il n'y que Cèz, visiblement assis à la place de ton copain et tu sais d'ores et déjà que ça va très mal se passer. Prenant place sur ta chaise, tu te saisis aussi tôt de l'unique rose rouge pleine d'épines trônant sur la table, t'occupant les mains tout en fixant ton ami, souriant légèrement. « hmm.. tu cherches vraiment la merde toi. »

T'étends tes jambes devant toi. T'y es bien à cette place finalement. Mais c'est quand tu le vois arriver elle, Sydney, presque au ralenti, que tu te dis que tu passeras pas ta chance de passer ta soirée à côté d'elle. T'aurais jamais pensé qu'elle puisse être aussi classe. La reine de pique qui débarque sur son tapis rouge. Qui pique la seule rose à épine de la table, et qui te sors un de ses sourires dont elle a le secret. C'est eux qui l'ont voulu en nous foutant à la même table. Tes pensées se mélangent, elles restent pas en place, jusqu’à ce qu'elles te remémorent cette putain de soirée. Celle qui a eu droit à un article du barman. Celle qui a surement foutu le bordel entre eux. Et qui te fais toujours autant sourire. Je joue un peu plus avec le feu. Tu devrais me connaître maintenant, non ? Tu plonges ton regard dans ses yeux dorées. Essayant de comprendre à quoi elle jouait. Elle ne se serait jamais aussi bien habillé si ce n'était pas pour lui. Alors c'est ça. C'est pour lui que tu t'es aussi bien fringué, hein ?

Vêtue d'une longue robe blanche et d'une couronne en fleur dans les cheveux, j'arrive enfin à destination, le sourire aux lèvres, lorsqu'on me tend le plan des tables. Je soupira un moment, comprenant que je ne pourrais pas choisir ceux qui m'accompagneront. Table un. Liberty, Jayson, Sydney, Cèzanne.. Brandon. J'écarquilla les yeux alors que des frissons me parcourut le corps. J'hésita un moment à rebrousser chemin, mais ce n'était pas dans mes habitudes de me défiler. Je me dirigea alors à ma table avant de croiser le regard de mon jumeau. Tout de suite, je devina sans mal que quelque chose clochait. Une fois près de lui, je le regarda un moment, le regard insistant. « Ça va? » Puis je me tourna vers Sydney, la regardant étrangement, avant de me servir un verre de champagne.

Et ouais, t'as sorti le grand jeu ce soir. Tu plonges ton nez entre les pétales pourpres, ton regard toujours posé sur lui. Cèz le cramé de la cafetière, cèz qui t'embrasse pour rire, cèz qui cherche la bagarre, cèz qui se fait casser la gueule. Tu joues avec les épines, t'y piquant les doigts, restant plantée sur ta chaise, attentive. T'observes la foule s'agglutiner sans pouvoir apercevoir ton voyou à toi. La nervosité est enfermée dans le placard, remplacée par ce sentiment de satisfaction assez sadique : tu sais qu'il va y avoir du sang sur les murs. Cèz, il t'observe avec cet éternel regard de défi, celui qui dit : "ouais, je chercherais la merde jusqu'au bout, alors, cap ou pas cap?" Il fait référence à ta robe et tu hoches bêtement la tête de gauche à droite, répondant d'une voix enrouée à force de taire tes mots. « mais non, voyons. souffles-tu, prenant alors un ton ironique. c'est pour noël, j'aime tellement noël ! les sapins, les lumières, les cadeaux, la bonne humeur ambiante, tout ça..  » Et même que parfois, la neige accompagne les fêtes. Quand t'étais gamine, tu t'en étais pris pas mal dans la gueule des boules de neige. -mais c'était du passé. le mieux, c'était de penser au futur, au moment où les flocons seront enfin tombés et tu pourras bombarder les autres.- Et là, surprise surprise, une demoiselle débarque te tirant de tes pensées. Elle demande à Cèz si ça va de sa voix de velours et te fixe d'une manière qui te plait pas trop, comme si tu venais de t'écraser sur une planète inconnue, alors tu souris de tous tes crocs, soutenant son regard en te disant que putain, y'a un air de ressemblance chelou là.

Cette soirée, tu la vois juste comme l'opportunité de ne pas galérer à trouver un traiteur pas cher dans le quartier, qui serait ouvert un jour de Noël, une façon de te débarrasser de cette lourde corvée. Avec la bande, vous êtes comme une famille. Et Noël, c'est sacré dans chaque famille. Votre sapin de cannabis ornait le salon et BJ s'amusait parfois à arracher quelques feuilles. Bref, vous aviez tous fini par vous habiller pour jouer le jeu et c'est par petit groupe que vous vous êtes tous séparés pour rejoindre la salle des fêtes. En fait, c'est plutôt tendu entre Sydney et toi, tendu depuis que t'as lu l'article du barman qui balançait ses exploits avec Cèzanne. Article à la con. Depuis, tu peux plus le voir en peinture, et tu t'es pas encore expliqué avec ta copine. C'est froid entre vous, presque aussi froid que toute cette neige qui recouvre les trottoirs de la ville.

À l'entrée, tu décides de laisser Kill qui se met à gueuler sur l'organiser des tables. C'est quand tu l'entends que tu comprends que c'était pas un bon plan, finalement, cette soirée. T'as tout juste le temps de lire en vitesse l'article des oscars puis tu le balances par terre, en même temps que ton mégot, la curiosité t'ayant titillé. Alors comme ça, y'aurait une organisation pour les tables ? Tu chopes l'hôtesse à l'entrée qui t'indique ta place et le nom des personnes que tu devras supporter pendant tout le repas. Liberty, Imogen... Jayson... Sydney... Cèzanne... Tu bloques sur presque chacun de leur prénom, déjà persuadé qu'un drame allait se produire. L'un de vous n'allait pas finir en vie cette nuit. Tu commences à souffler en te dirigeant vers la table mais la vision qui s'offre à toi commence à te faire perdre patience. Cèzanne, à ta place, l'air arrogant collé au visage, qui regarde Sydney. Ta meuf. Il joue avec les feu et, comme c'est bien connu, il va finir avec se brûler les ailes. C'est même toi qui va te charger de les lui cramer. Lentement, tu arrives à son niveau et tu t'arrêtes derrière lui, surprenant un morceau de la conversation qui n'a pas l'air de te plaire. « Parce que t'as vraiment cru qu'elle s'était habillée comme ça pour toi ? » D'une façon, tu ne pouvais pas nier que Sydney était belle ce soir, qu'elle avait sorti le grand jeu. Et d'un autre, c'était une façon d'annoncer que t'étais là maintenant. « Maintenant, bouge. » Tu attends qu'il se retourne pour te regarder et tu croises les bras, l'air presque menaçant.

T'avais pas grand chose à faire ce soir là, et puis tu t'étais engagé, tu pouvais pas ne pas venir. Avec un peu de chance, tu tomberais sur une bonne table et tu passerais un bon moment, mais t'en doutais fort. Comme d'habitude, en retard d'une demie-heure, tu te pointais à la salle des fêtes, encore à moitié endormi pour avoir dormi toute la journée, moyennement présentable. Tes yeux étaient rouges, tes membres engourdis, et tu regrettais déjà d'être venu. Jamie avait quitté l'appartement avant toi, et tu n'eus même pas le courage de la chercher du regard dans la foule qui emplissait la pièce. Tu fermas les yeux et te passa une main sur le visage, essayant de te réveiller et d'avoir l'air un peu plus disposé. Tes pas te guidèrent vers les listes, et tu repéras aussitôt ton prénom, suivi de celui de.. Brandon ? Tiens, quel heureux hasard. Un petit sourire narquois se dessina sur tes lèvres, et tu secouas la tête comme pour approuver. T'avais pas envie de régler tes comptes aujourd'hui, surtout avec un mec que t'avais pas vu depuis presque deux ans, non, beaucoup mieux à faire un soir de Décembre comme celui-ci.

Tu t'avançais vers la table en retirant ton bonnet, et tu t'assis en face de Sydney, tout sourire, sans prêter attention aux autres. L'ambiance était déjà tendue, électrique, désagréable. Mais t'en avais rien à foutre, à vrai dire, t'étais pas là par envie mais plutôt par obligation. Un rapide et sec bonsoir s'échappa de ta gorge, et tu pris place en t'affalant à moitié. La soirée allait commencer.

La douce voix de ta jumelle te tires de tes pensées. Vous êtes comme le jour et la nuit. Le ying et le yang. Blanc et noir. Couronne de fleur et veste en cuir. Tu captures ses doigts quand elle passe à côté de toi et lui pose un léger baiser sur le dos de la main. Jamais été aussi bien et toi ? Une ombre plane au dessus de toi et une voix grave vous interrompt. Le grand méchant loup est enfin arrivé. Sans prononcer un mot tu te lèves. T'aurais pu lui en foutre une là. Le spectacle aurait enfin pu commencer. Mais t'as toujours préféré faire durer le plaisir. Tu t'écartes d'un pas, le frôlant légèrement, tu prends encore une fois ton temps pour s'installer en face de lui. A coté de Sydney. Sourire en coin. A son regard tu compris que c'était bien pire que d'avoir pris sa place. La faute a l'organisation. Tu profites du passage d'un des serveurs, pour subtiliser quatre coupes de champagnes, en offrant une a chacun. Tu fais un léger signe de tête à l'arrivée du brun, tu lui offres ta coupe que tu n'as pas encore touché. Il te faudra définitivement quelque chose de plus fort ce soir.

Et il arrive enfin. Tu reconnais directement le son de sa voix, mais ton regard reste posé sur la belle rose. Tu ne détournes pas les yeux de cette dernière, décidée à ne pas croiser ceux de Brandon, à faire comme s'il était absent, chose qui d'après toi finirait par l'agacer. Ou pas? Tu fais mine de ne pas entendre, mais t'aurais presque envie de sourire à ses remarques piquantes. Tu le reconnais bien. Les places s'échangent, la tension monte déjà. Toi, tu regardes autour de vous, balayant la salle du regard. Cette soirée était pré-destinée à provoquer des combats sanglant. 2014, la bataille de bristol, dans tout les manuels d'histoire d'ici un siècle. Tant de décorations. T’imaginais facilement des dizaines de caméras planquées un peu partout, dans les sapins, dans les couronnes de houx, sur les luminaires. T'en étais quasi sûre, sinon, comment les organisateurs de cette supercherie auraient-ils pût jouir de vous voir vous étriper simplement parce qu'ils avaient fait exprès de réunir les plus grands ennemis à la même table? Ah, les fourbes. Ils sont sûrement aussi contents que toi à l'heure qu'il est. En fait, le mieux pour les plus faibles, ce serait de partir dès maintenant. Mais vous, vous ne ferez pas marche-arrière face à la menace. T'envoies des textos au reste de la bande : « Amusez vous bien. » Cèz t'offre une coupe et tu lâches enfin cette foutue rose, buvant un peu. Jayson s'assoit en face de toi, tu lui lances un sourire, sans imaginer une seconde qu'il est aussi contre ton voyou. Tu regardes toujours les alentours, les serveurs commençant à distribuer des entremets alors que Kill rumine dans son coin, voulant sans doute du rhum pour le réconforter de la composition de sa table qui doit être aussi foireuse que la photo.

En rage, tu l'étais intérieurement. Tu bouillonnais, tes poings te démangent soudainement et t'as la sale envie de lui faire goûter son propre sang. À l'intérieur, c'est un volcan prêt à exploser, une tempête, un ouragan. Pourtant, tu ne laisses rien paraître de tout ça, tu restes calme. T'as carrément ce sourire carnassier qui fend tes lèvres alors que tu prends place face à Cèzanne, lançant tout de même un regard à Sydney. Pour couronner le tout, il fallait bien que Jayson se ramène aussi et s'pose juste à côté de toi. Jayson. C'est que ça faisait un bail que tu l'avais pas croisé. Détroit, votre enfance, vos conneries, les bagarres, la rue, le gang. « Joyeux Noël. » Tu lâches ironiquement, brisant le silence. La tension est palpable et tu leur montres que la situation t'amuse, toi aussi. Ils veulent jouer ? Alors, jouons. Ouais, tu vas jouer aussi. Un sourcil relevé, tu observes la coupe de champagne que Cèzanne dépose devant toi. Sans réfléchir, tu la repousses, lui faisant bien comprendre que tu n'étais pas là pour faire ami-ami avec lui. Tu l'avais fusillée du regard alors qu'un éclair furieux traversait tes prunelles sombres.