FÊTE FORAINE ✤ train fantôme

Ca fait vingt minutes que Freddie cherche une attraction à faire, sa barbe-à-papa fraîchement achetée dans une main, à galérer un peu à la manger alors que l'ours en peluche qu'on lui a remit à l'entrée de la fête foraine est entrain de glisser sous son bras. Il en prend un bout et le porte à ses lèvres, c'est vachement sucré et ça colle, il ressemble un peu à un gamin de trois ans. Surtout qu'il n'arrive pas à atteindre son téléphone pour demander à JJ ou à Cook où est-ce qu'ils se trouvent. Tant pis. Il finit par arriver face à une attraction qui attire son regard presque automatiquement et il ne peut s'empêcher de sourire avant d'entrer dedans. Le train fantôme. Peut-être que ça va lui rappeler le début déplorable du Spring Break, juste le moment où il riait avec Emily et JJ des possibles fantômes, et de leur groupe de Ghostbusters. Oublier juste le reste. Et Freddie grimpe dans le premier wagon, calant l'ourson sur ses cuisses avant de recommencer à manger, jusqu'à ce qu'il sente quelqu'un prendre place à ses côtés. “Salut.” lance-t-il en passant son pouce entre ses lèvres pour retirer le sucre dessus et il finit par lever son regard vers la personne qui vient de le rejoindre. Merde? Merde, oui, quand il voit son putain de regard bleu qui lui tord le ventre et le retourne un peu. Finalement, ce n'était pas une bonne idée de partir s'acheter une barbe à papa tout seul et de rejoindre les deux autres plus tard. Freddie détourne son visage en serrant un peu sa mâchoire, son dos retrouvant la banquette et il ne dit plus rien. Il ne sait plus vraiment quoi dire.

Sécher les cours devenait une mauvaise habitude dont je n'arrivais pas me débarrasser. Les cours m'ennuyaient, comme si c'était bien trop simple pour moi alors faire acte de présente n'était plus vraiment une de mes priorités. L'idée d'abandonner mes études m'avait maintes fois traverser l'esprit. En attendant, je continuais de travailler au cinéma pour pouvoir payer la part de mon loyer historie d'éviter de me retrouver une fois de plus chez ma mère. Avec Naomi, on enchaîne les soirées, ces derniers temps. Notre appart est devenu un véritable champ de bataille, le bordel est maître des lieux. Pourtant, ce soir, c'est différent. Le plan, c'est plus de se défoncer toute la nuit jusqu'à limite tomber dans le coma. Non, cette fois, on se pointe à la fête foraine. J'suis pas vraiment emballée mais j'ai envie de faire plaisir à Naomi qui a touché le fond dernièrement. En fait, elle a carrément creuser le putain de fond pour s'enfoncer. Puis elle me précise que Cook et Freddie seront là. J'hausse les épaules en embarquant ma veste en cuir et je claque la porte, dissimulant un petit sourire.

Sur place, l'ambiance est festive mais reste bon enfant. On y croise des jeunes, des plus vieux, comme si la moitié de la ville s'était donnée rendez-vous pour un petit retour en enfance. J'enchaîne les cigarettes et quelques attractions que des connaissances à moi tiennent, je salue de loin JJ qui passait dans le coin, accompagné de Cook. Il est où, Freds ? Je tente de le chercher du regard mais les chuchotements qui se font entendre dans la file me font comprendre que c'est à mon tour de monter dans le wagon du train fantôme. Je ne me fais pas prier et prends place à côté de Freddie. Ouais, c'était là qu'il se trouvait, en réalité. Drôle de hasard. « Salut. » Je plonge mon regard dans le sien en tirant une dernière latte de ma cigarette et de la jeter par dessus bord. Salut ? C'était.. tout ce que j'avais à dire après des mois passés sous silence radio et après la merde que j'avais encore foutu à la minute où j'avais déposé mes pieds à Bristol pour mon grand retour.

Freddie n'en revient pas de ce qu'il se passe, il n'arrive pas à assimiler la présence de Effy à ses côtés, comme ça. Ils ne se sont pas reparler depuis un million d'années il lui semble, la dernière approche avait été au Spring Break, du moins au tout début lorsque le drame Panda/Cook avait été lancé. Heureusement pour lui, Katie était venue le chercher dès que Thomas avait commencé à taper sur Cook. Sauf que là il n'y a pas d'échappatoire et que Freddie se sent encore plus stupide avec sa barbe à papa, à attendre bêtement que ce train démarre. Elle lui répond, elle le salut, tout simplement. Les doigts du brun se resserrent sur la peluche posée sur ses genoux et il détourne le regard, observant ce qu'il se passe autour de lui. Le problème, c'est qu'il ne se passe rien. Alors il bouge nerveusement et se retourne vers Effy, ses sourcils se haussent quand il prend un air faussement surpris. “Alors tu deviens quoi, elle est cool ta vie en ce moment?” C'est seulement la pointe de colère en lui qui parle alors que ses mains se desserrent. Comment ça se fait qu'elle se trouve au même endroit que lui comme ça? Est-ce qu'il a un karma vraiment pourrit à ce point? Il ne demande franchement rien, juste être loin d'elle pendant un moment. Katie lui arracherait les cheveux si elle le voyait. Sa mâchoire serrée, Freddie se rend compte qu'il n'a même plus faim et il tend finalement la barbe à papa à Effy. “Tu la veux?” Son ton est un peu plus calme mais il ne croise pas son regard, il n'ose pas vraiment.

Juste nous deux, presque en tête à tête. Cette proximité en est presque dérangeante, perturbante, comme si le contact de nos deux épaules, côtes à côtes, allait provoquer l'effet d'une bonne décharge électrique, comme si sa peau pouvait brûler la mienne au moindre contact. Je ne bouge pas d'un centimètre, j'ai même l'impression de retenir ma respiration. Mes grands yeux bleus fixèrent discrètement les siens, foncés comme pour lire dans son âme, comme un livre grand ouvert mais Freddie prend le soin de détourner le regard après sa tentative pour dissimuler la pointe de colère dans sa voix. En fait, il avait toutes les raisons d'être énervé, surtout après le beau bordel que j'avais foutu, après lui avoir brisé le coeur, après être partie sans rien dire, après être revenue comme si de rien n'était. « Panda se tape Cook. » Je lâche, de la façon la plus naturelle du monde, comme si j'avais envie de lui rafraîchir la mémoire. Ma meilleure amie couchait avec mon "ex". Je n'aime pas Cook mais j'ai toujours eu du mal à digérer la relation qu'il entretenait avec Panda. Forcément, ma réponse représente parfaitement les événements récents dans lesquels j'ai été plongé. J'ai été trahie et rien d'autre.

Quelques regards s'étaient posés sur nous, des regards réprobateurs. Faut dire que Freddie est plutôt connu en ville, son histoire a rapidement fait le tour de Bristol, notre histoire a marqué quelques esprits. Ils doivent sans doute se demander ce qu'il peut bien faire, assis à côté de la meuf qui a foutu une partie de sa vie en l'air. « De quoi t'as peur, Freddie ? » Je demande, mystérieusement, tout en attrapant la barbe à papa qu'il me tendait, en mettant un peu sur ma langue pour laisser le temps au sucre de fondre doucement. Les jambes croisés, je lui lance un dernier regard avant que le train-fantôme décide enfin de démarrer. « De souffrir à nouveau ? De tomber amoureux ? » Je chuchote presque, m'approchant un peu de son oreille pour mieux qu'il m'entende, mon sourire quasi malsain scotché au coin des lèvres. Vous savez, ce petit sourire, le mien, celui qui veut dire que j'ai encore pleins de choses à cacher, celui qui veut dire que personne ne me connait réellement, entièrement.

Freddie n’ose même plus respirer, de peur que son bras entre trop en contact avec celui de la brunette et il évite tout simplement son regard, le noir face à lui semble être plus intéressant. Et il ne sait pas si c’est la présence d’Effy à ses côtés mais il se sent d’un coup moins rassuré par ce tour même s’il sait pertinemment que les trains fantômes n’ont rien de vraiment terrifiants. La réponse tombe finalement et la mâchoire de Freddie se serre légèrement, il se retient de se mettre en colère encore, de gueuler pour toutes les autres personnes présentes. Tout ce qu’il retient de ça, c’est l’attachement d’Effy pour Cook, toujours présent, à croire que tout ce qui avait pu se passer entre eux n’a été qu’un tissu de mensonges. Quelque fois, Freddie se demande s’il n’a pas tout simplement inventé cette histoire entre Effy et lui. Ca expliquerait beaucoup plus de choses que le petit jeu dans lequel elle se lance sans arrêt. « C’est vrai que son choix n’est pas des plus logiques. » commence Freds avant même de se rendre compte dans quoi il se lance, sa main s’est refermée autour de la barrière de sécurité du wagon, et il enchaîne déjà. « Moi j’aurais choisis Katie. » Il laisse les mots tombés sans vraiment savoir quoi en faire, il aimerait les retirer presque aussitôt mais sa fierté l’en empêche. Ou du moins ce qu’il en reste. Un soupir et il se passe une main dans les cheveux, grattant les quelques mèches brunes qui retombent sur sa nuque. Il aimerait juste partir d’ici.
Freddie sent les regards sur eux et il se sent à nouveau mal à l’aise alors qu’il se rend compte que toutes ces personnes sont clairement en train de le juger. Le brun les regarde un moment, clairement abasourdit par leur manque de discrétion et ça l’énerve encore plus de les voir le juger que d’avoir Effy à ses côtés. Il est assez grand pour se débrouiller, merde. Alors un sourire hypocrite étire ses lèvres et il salue les gens qui le regardent avant de leur faire un doigt d’honneur. Le train fantôme semble prendre ça comme un signal puisqu’il démarre. Effy lui a posé une question d’ailleurs et Freddie secoue la tête de droite à gauche pour lui signifier qu’il n’a peur de rien mais elle ne semble pas s’arrêter là alors qu’elle s’approche de lui et qu’elle murmure à son oreille. La sorcière. Freds tourne rapidement son regard vers elle et ses yeux tombent un instant sur ses lèvres, le sourire qu’elle affiche surtout, et il finit par retomber dans ses yeux. Même dans le noir on peut voir qu’ils sont d’un bleu… Freddie n’a même pas de mot pour décrire ce bleu, depuis qu’il a rencontré Effy, il n’en a jamais trouvé un autre comme ça ailleurs. Et il fronce légèrement ses sourcils, cette fois c’est de l’incompréhension sur son visage, parce que ce sont les mots qui l’atteignent le plus. A quoi elle joue ? Freddie sent ses doigts se resserrer un peu plus sur la barre de métal. « Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? » siffle-t-il finalement, s’empêchant d’élever la voix. Les autres autour n’ont pas besoin d’être au courant non plus. « Et tu devrais savoir que ce n’est pas ça qui me fait peur. Je crois que j’ai pris l’habitude de souffrir merci, et pour ce qui est de tomber amoureux, je crois que c’est déjà fait. » Il ne sait pas très bien dans quoi il se lance, de toute manière dès qu’il est question d’Effy, il ne sait jamais. Katie lui aurait certainement mit une bonne claque et il commence presque à regretter de ne pas la voir avec eux. Sérieusement. Juste au moment où le train arrive dans un endroit avec des lumières blanches clignotantes et aveuglantes mais Freddie n’arrive plus vraiment à détourner son regard de celui de la brune, plus maintenant. Quel imbécile.