don't be afraid of the dark (light)

Pour le psychanalyste, le rêve, qui échappe au contrôle du moi, fait communiquer inconscient et conscient. Ses contenus, malgré leur non-sens apparent, sont signifiants. Le rêve se distingue de l’hallucination et de la rêverie qui, eux, sont vécus à l’état éveillé. Le nom scientifique de l’étude des rêves est l’onirologie. Les humains sont intrigués par leurs rêves et tentent d'expliquer leur existence. Comme ils remarquent que tous les rêves ne se ressemblent pas, ses explications vont de « sans importance, il ne s’agit que d’une réminiscence du jour précédent » à « un message divin » en passant par la perception des images des rêves comme symboles qui prédiraient l’avenir si on savait les interpréter. Pour moi ça veut rien dire tout ça, quand j’rêve, je rêve, c’est tout. Peu m’importe que ça soit bien ou pas, ça me permet de me reposer et de reprendre des forces après les dures journées que j’ai. Quand je dors par contre, il ne vaut mieux pas me réveiller, ça fait souvent mal, soit parce que je suis violent, soit parce que je gueule comme un malade. Non mais disons qu’en fait, j’ai un sommeil plutôt lourd et que par conséquent j’ai du mal à émerger.

Les poings fermés, comme d’habitude quand je dors, je suis en simple boxer, j’ai beaucoup trop chaud pour mettre un pyjama et je déteste ça, en même temps c’est les vieux qui mettent des petits pyjamas à motif charentaises. Bon ok, un jogging ça passe, mais pas plus. Quoi qu’il en soit, je dors, profondément et presque rien ne pourra me tirer de mon sommeil. Sauf un bruit de chute, enfin de pseudo chute, mais je ne me réveille pas, je l’entends c’est tout, comme s’il était dans mon rêve. Pour ne pas changer, c’est Adonis qui occupe l’espace de mon subconscient. Pour ne pas changer tiens, je ne sais pas bien où on en est tous les deux, mais je sais que depuis que je ne suis plus avec Peyton j’y vois plus clair. D’autant plus que j’ai trompé cette dernière avec lui. Oh putain, quand je me dis ça, à chaque fois j’trouve que c’est la merde ma vie. Puis d’un coup j’entends une voix, comme sortie de nulle part. « Light ? » Oh non putain Emrys, pas maintenant. Je me retourne dans mon lit sans lui prêter la moindre attention et continue à dormir comme si de rien n’était.  Non, il n’est pas là, c’est dans ta tête tout ça, dors, dors. « Light ! » Ok ok. J’ouvre les yeux et m’assois dans mon lit, la couette sur mes jambes, le torse nu. Je passe mes doigts sur mes yeux tandis que je regarde la porte entrebâillée et le corps de mon demi-frère qui est debout dans ma chambre. Sa voix semble perdue, comme s’il souffrait et qu’il avait besoin d’aide. Je sais très bien qu’il fait des cauchemars, c’est fréquent, mais généralement il ne vient pas dans ma chambre pour parler.

C’est ça qui me met la puce à l’oreille. Emrys ne va pas bien, pas bien du tout et il veut parler. C’est la première fois, d’habitude il ne dit rien et endure en silence, mais qu’il vienne suite à un de ses cauchemars, c’est inquiétant. « Ferme la porte et viens dans mon lit. » Je lui fais une place et le laisse s’installer à côté de moi, je le prends dans mes bras et le câline. Je souffle doucement et passe une main dans ses cheveux pour l’apaiser comme je le ferais à un enfant. Il est crispé, quelque chose ne va pas. « Chut… Je suis là. » Oui je suis là, j’ai toujours été là pour lui depuis l’accident, je ne lui en veux pas du tout, on n’était pas nous même, alors comment lui en vouloir ? C’est impossible. Tandis que je le câline, c’est comme une invitation pour lui à se livrer, à me vider son sac parce que ne pas parler c’est comme rester enfermé sur soi-même et ça n’a jamais fait de bien à personne. Je sais de quoi je parle parce que j’ai vécu la même chose il y a peu de temps.

Le mal est partout autour de nous, c'est vrai quoi. Quand on regarde les informations, les guerres sont omniprésentes dans le monde, les famines, les différences ethniques et religieuses qui conduisent à des massacres sans pareilles dans l'histoire de l'humanité. Non mais je ne pense pas dire des choses comme ça parce que j'ai vu ça à la télévision, je le pense vraiment. L'être humain est tellement étrange que cela me choque de voir la connerie dont il est capable. Après le mal est aussi à l'échelle personnelle. Chaque personne cache des vieux cauchemars parce que c'est normal après tout, dans notre vie il y a toujours quelque chose de mauvais qui tente de refaire surface un jour ou l'autre jusqu'à ce que l'on puisse faire une croix dessus, c'est ainsi pour tout le monde, que ça soit grave ou pas d'ailleurs. Non définitivement c'est le baba de l'être humain.

C'est en câlinant mon demi-frère qui est assailli jours et nuits par ses vieux démons que j'ai pensé à cela, même en étant peu ou pas du tout réveillé, j'arrive à entretenir des sortes de monologues intérieurs bien construits. Je me surprends de jour en jour finalement. Je sais très bien que l'avoir près de moi ainsi, le rassure, ça a toujours été comme ça depuis un an, depuis ce fameux accident, il est mal dans sa peau, dans sa tête, il a du mal à se situer par rapport aux autres, tout ça à cause de ma chute qui m'a plongé dans un coma qui a duré un mois entier. Je sais que ça aurait pu être grave, encore heureux j'ai dis à ma mère que j'étais tombé tout seul, parce que Emrys aurait eu de grosses emmerdes, mais il n'a jamais pu s'enlever de la tête que c'était de sa faute, oui peut-être, mais je suis toujours là, en pleine forme et je profite de la vie autant que possible parce que c'est ce qu'il y a de mieux à faire au final. « Les ombres sont revenues... » Elles ne sont malheureusement jamais parties. Parfois quand je lui parle, j'ai l'impression d'être face à un légume, un mec lobotomisé tant il est absent, absorbé par je ne sais pas trop quoi, c'est affreux, ça me fait peur, mais je reste là pour lui, parce qu'il a besoin de moi autant que j'ai besoin de lui. Emrys c'est pas seulement mon demi-frère, c'est mon meilleur ami, celui à qui je dis presque tout, celui qui est au courant de mes peines, de mes problèmes, et il a toujours été là pour moi, depuis le début, et je me dois de lui rendre la pareille. « Elles veulent pas me laisser oublier, tu sais ? » Là je ne suis pas d'accord non plus, je le serre encore un peu plus contre moi, parce qu'il a peur, je le sais et je ne supporte pas cette idée.

Que dire ? Que faire ? Pour faire plier ses fameuses ombres ? Je n'ai jamais eu la réponse, je ne l'aurais peut-être jamais de moi-même. Seul le temps changera les choses, c'est une certitude. Je suis là c'est tout, et je crois que ça lui suffit sur le moment, mais il faudra que l'on trouve la solution, il faudra absolument que je le fasse aller mieux, il ne peut tenir comme ça. Il se détruit petit à petit lui même parce qu'il n'arrive pas à faire une croix sur tout son passé. « Elles ne sont jamais parties, tu fais avec au jour le jour, mais parfois elles sont simplement plus fortes que toi... » Je dis n'importe quoi, moi qui d'habitude suit bien plus terre à terre, mais avec Emrys, j'ai remarqué que parler de façon mystique pouvait le calmer, car il se forgeait lui même le sens de mes mots. Je ferme les yeux et inspire longuement avant de me reculer rapidement et d'essuyer ses yeux du bout des doigts pour qu'il ne pleure pas, j'attrape ses épaules dans mes mains et le regarde droit dans ses petites prunelles sombres. « C'est pas à elle de décider, c'est pas à moi, c'est à toi de le vouloir. Moi j'ai oublié ce qui s'est passé, parce que c'est passé justement, tu devrais faire de même, parce que je t'ai dis que je ne t'en voulais pas » Finalement je le relâche et m'allonge dans le lit, je remonte la couverture sur mon corps et lui intime de faire pareil, je ne dormirais, je regarde le plafond, je suis prêt à parler avec lui toute la nuit s'il le faut, jusqu'à ce que lui s'endorme paisiblement.