runaway (cèz)

   
something just changed in your soul,
tell me baby what's wrong, what's going on?
have you been crying?

lou l'avait mal vécu, l'abandon. comment il avait renoncé, préféré prendre la fuite, faire son tour de magicien, disparaître, clope au bec. reviens à la maison, qu'elle soufflait au répondeur. elle pouvait pas, lou, elle voulait pas. c'était pas qu'un amas de cellule, c'était un peu d'elle, un peu de lui. c'était la future huitième merveille du monde. c'était. à peine le ventre commençait à s'arrondir que tout était déjà foutu. le début de la déchéance. elle avait perdu cèz, elle avait perdu l'gosse. personne avait su, à part louis. officiellement, il n'y avait eut ni rupture, ni grossesse, ni fausse couche. et pourtant, la douce avait le visage creusé et cerné, pâle comme un cachet. elle mangeait plus, dormait plus, souriait plus. c'est con comme les choses peuvent mal tourner. la gamine devenue amer, l'heure du drame se voulait de plus en plus proche. elle voulait finir vingt mille lieues sous les mers. funambule sur le bord du pont, son corps tendu tendait à plonger. et ce soir-là, elle tremblait plus, lou.

   
runaway.

cèzanne, il a eu des éclairs dans la tête, quand il a su pour elle. pour ce qu'ils avaient créer. et il a crié le brun, il a paniqué. père, lui ? peut être. pas tout de suite. c'était pas dans ses plans. claquage de porte, boum dehors. abandon du nid. abandon de la belle. et puis, y a eu cet appel de louis. révélations. il a finis par se bouger le gosse à moitié grand. attendre en bas de l'immeuble, clope aux lèvres. il les enchaîne, les unes après les autres. jusqu'à tard, caché sous l'ombre de sa capuche. il la voit sortir, la belle. amaigrie. trop, beaucoup trop. il la suit discrètement dans les rues désertes. jusqu'au pont. arrête louve, va pas plus loin, qu'il se dit. le 'chaton' lui il veut pas que l'ange bascule. perde ses ailes dans sa chute. "tu vas sauter ?" un peu paniqué le brun, ça s'entend pas. il a appris à cacher tout ça. tout ce bordel émotionnel que la race humaine vit. il esquisse un pas vers elle, loin d'être rassuré, avant de s'immobiliser sur le chemin vers la belle.

   
something just changed in your soul,
tell me baby what's wrong, what's going on?
have you been crying?

lou allait s'noyer dans les abysses. je m'en irai pas. je te promets. il avait prononcé chacun de ces mots dans c'foutu bar. mais cèz tenait jamais ses promesses. il était parti.  plonge. maintenant. plus elle se penchait vers l'eau en contrebas, plus la fin de l'histoire approchait. son corps était endolori -elle se tenait le ventre, cette enveloppe vide- et l'odeur des hopitaux remontait, la prenant aux tripes. le sel roulait jusqu'à ses lèvres, mouillant ses joues diaphanes. quand soudain, des pas et des mots familiers retentirent. lou fit volte-face et son coeur rata un bon : c'était lui. une putain d'ombre au milieu du pont, qui s'approchait un peu. elle le détestait d'avoir encore un air serein. aucun brisure dans la voix. restant immobile un instant, dos au vide, elle ne lui donna pour réponse qu'un soupire paniqué, commençant à reculer. telle un oiseau sauvage tombé du nid, elle enchaîna des pas maladroits à reculons le long du pont pour s'éloigner de cèzanne, se perdant dans son regard. ses yeux gueulaient des mots qui n'en étaient plus, des je t'aime qui ne manquaient pas de conviction, des poèmes inachevés. à partir si vite, elle se nouait les chevilles et manquait de tomber à plusieurs reprises. c'était le début d'une nouvelle course de vitesse. lou voulait pas s'faire attraper. elle voulait juste sauter. funambule de la nuit, elle était déjà à bout de force et ses pas avaient bientôt la lenteur des jours résignés. je suis désolée.

   
runaway.

il observe, observe se bout de vie qui s'apprête à passer de l'autre côté. son bout de vie. celui qu'il prenait dans ses bras. les minutes à la regarder dormir, mèches emmêlées. baisers essoufflés. tes ovales descendent à peine, il le voit, ces changements dans ses courbes, même à travers les quelques bouts de tissus. en quelques pas perturbés, elle s'enfuit face à toi, le long du pont désert, trébuche. tu tressailles, de peur qu'elle prenne le raccourci. qui la conduit quelques mètres plus bas. "désolée de quoi ? de vouloir passer par dessus bord ? c'est la solution c'est ça ? l'eau noire est si attirante que ça ? ou c'est le souvenir de ce qu'on a été qui te pousse à te noyer ?" t'es en colère, un peu, qu'elle veuille abandonner. échapper à la souffrance. elle te regarde avez ses yeux effarées. sûrement déçue de pas percevoir la tienne de douleur. ambiance fantomatique. t'avances au même rythme, te rapprochant doucement. faut pas précipiter sa chute. tu fais tomber le masque, capuche rabattu. toute haine disparu. le silence devient pesant. lourd de sens. "pardon."

   
something just changed in your soul,
tell me baby what's wrong, what's going on?
have you been crying?

lou enchaînait toujours les pas maladroits, flirtant un peu plus avec le vide à chaque fois. ses mots lui fracassaient le crâne, et cèz qui grondait comme le tonnerre continuait à s'approcher. elle était redevenue une bête sauvage, lou, elle n'était plus sienne. elle voulait plus. mais le souvenir de ce qu'ils étaient. avait suffit à arrêter la machine infernale. figée, regard planté en bas. poupée de porcelaine. oui, elle avait perdu espoir. c'était évident qu'elle n'avait pas les épaules pour ça. elle avait besoin de lui, la gamine. elle tenait plus debout, un véritable château de cartes sur lequel son pardon avait soufflé comme une tempête. lou s'était effondrée, elle était tombée à genoux sur le bitume. ses yeux déversaient des océans. putain. t'avais pas le droit, cèz. lou était fatiguée, elle voyait trouble. tout l'univers devenait sombre mais la gamine, même à bout de force, était déterminée à plus se laisser capturer. tu m'as abandonnée. ouais. tu m'as trahie une fois de plus.