drunk again (noam)

   
flames just create us,
burns don't heal like before.

lou regarde pas les garçons, elle s'intéresse aux cocktails, les vide et les enchaîne. elle rit déjà aux éclats, l'éther la soule à grande vitesse.  cette maison, au début, c'était l'enfer, avec sa foule étouffante qui sautait en rythme sur le paquet et les enceintes qui faisaient trembler les murs. mais les verres mi-fruités mi-arrache-gorge et le sourire rassurant de noam -ah, ses quenottes brillantes- ont rendu l'ambiance plus supportable. louve, déjà dans un état avancé, enchaîne les maladresses. elle a manqué de chuter deux fois, a renversé un verre et fait tomber son téléphone à plusieurs reprises, guettant les messages de son âme sœur. le cœur tout de même à la fête, elle laisse tomber sa tête sur l'épaule de no avant de l'entraîner un peu au centre de l'agitation, là où les âmes dansent, légères, virevoltent, se trémoussent. lou tient plus debout, elle s'accroche un peu au cou de la fugueuse de fous. l'alcool lui incruste le rythme dans la peau, un rythme brûlant. il fait naître une flamme folle qui fait se mouvoir les hanches, les bras et le reste de son corps abimé. ça secoue un peu la cage thoracique, c'est pas bien grave, lou est trop proche des étoiles pour ressentir la douleur physique, y a plus assez de cases dans sa tête pour ça. par chance, il en reste une qui se veut rebutante face aux autres garçons, ceux qui s'approchent un peu trop, comme des lions. dès le début, elle hoche négativement la tête. y'a plus de place dans son cœur que pour des bons potes, elle la juré devant dieu. et noam, elle a un gars, enfin, c'est c'que lou croit avoir compris, un mec un peu borné, un mec qui lui retourne un peu la tête. vous perdez votre temps. qu'elle souffle, avec son air fier, toujours accrochée à no. ces mecs là sont le danger, et comme elle lui porte des sentiments sincères, la rousse hésite pas à protéger sa dame aux yeux bleus ciel, même si elle a définitivement pas la carapace pour.

elle a mal aux pieds pour les filles qui dansent sur onze centimètres, elle a la tête qui veut plus la lâcher de ses idées bêtes et le sentiment de décoller à chaque fois qu’un abruti provoque le sol de ses choix cornéliens. ils sont tous là à hésiter entre deux bouches à attraper de leurs dents impartiales, comme si à la rencontre de leur salive respective y allait avoir un feu d’artifice dans leurs poumons. comme si d’un coup ils allaient revivre. et se réinventer, pour une fille plus qu’une autre. lui prendre la peau sous les ongles, l’embrasser au creux du cou et l’emmener derrière la maison silencieuse qui laisse pas bien passer l’son. la basse résonne contre les tempes de la brune, elle tient louve plus haut qu’à la taille, a remarqué un truc louche, mais déjà plus la moindre idée de chez qui elle peut bien s’trouver, noam. alors doucement viennent épouser sa belle figure des rictus insolents, elle lève les bras un peu plus pour qu’on lui frôle les poignets, pourtant, elle sait, qu’elle est pas mieux. ouais, y a les bords de ses guiboles qui frémissent parce que son corps s’allume en bougie solitaire et les lanières de ses pompes sont pas celles de ses baskets alors, sa peau tourne rouge. et sa figure, sa figure elle s’éclaire de pupilles chancelantes, quand elle attrape louve, elle en veut pas des fauves, elle veut louve. elle  la tient entre ses deux coudes, et les avant-bras nus. t’es bien gentille ma louve, t’es sûre que ça va ? noam porte sa robe, ah il aime tellement, sa robe. mais pas ce soir, et pas ici, elle joue avec les étincelles qui s’reposent, noam. elle aime ça, elle aime qu’elles arrivent encore à se tenir l’une l’autre parce qu’elle est plus bien sûre de si ses doigts vont pas finir par glisser contre louve et ça fait bien six fois qu’elle s’dit que c’est le dernier verre qu’elle boit. demoiselle brave retient la belle fleur qui tangue et puis s’avance pour pas tomber, ah elle va finir par voler, elle espère. retiens-la d'faire un doigt au joli cœur qui regarde les étoiles sur leur visage de trop près.

   
flames just create us,
burns don't heal like before.

un large sourire enfle ses lèvres, ça tourne vraiment, là-haut. évasive, elle s'efface un instant, juste le temps de savoir. est-ce que ça va? mais oui. absolument, même si elle est à vingt-cinq centilitres d'oublier d'respirer. sûre, certaine, même. elle se sent puissante, comme si la seule alternative était que tout se passe à merveille. et si noam la dévore un peu trop du regard, lou n'y voit que de l'entrain; elle continue à danser avec assurance malgré ses paupières qui se voudraient déjà closes. quand les mêmes garçons insistent trop, elle se métamorphose très vite, louve. y'a des mains étrangères qui se perdent sur les hanches des filles. trop vite, la rouquine se voit gonflé d'un profond mépris, énervée au possible. ses yeux remontent le long de leurs corps dézingués, et elle plante son regard matois bien au fond des leurs, relevant un peu la main. son majeur se dresse -faut croire que les efforts de no ont pas suffit-. elle les raille dans un pouffement ridicule et prend déjà la fuite, s'enfonçant dans la foule, entraînant no par la main. les gestes irréfléchis n'ont pas de conséquences ce soir, tant qu'elles courent assez vite, les filles. les doigts entremêlés, elles s'échappent en vitesse, n'ayant pas achevé de s’esclaffer. quelle bande de cons. lou improvise une visite du reste de la maison, calée sous l'épaule de la belle, évitant d'se noyer au fond de son regard océan. dans la salle de bain, c'est titanic. un blondinet est accroché à la cuvette, une punk à clous s'est endormie dans la baignoire et le robinet du lavabo est resté ouvert. la première chambre est fermée à clé et des bruits suspects s'en échappent. la seconde est sujet à un trafic. impressionnant, l'mec avec son gros paquet d'poudre entre les mains, qui se tourne vers vous avec son regard de tueur. on a rien vu ! qu'elle gueule, lou, refermant la porte, les yeux grands écarquillés. retour au cœur de l'agitation. les mêmes effrontés qui jouent des poings. les cadavres s'accumulent dans le taudis minable, aussi minable que l'équilibre de la louve qui menace de finir par hurler à la lune, à quatre pattes sur le parquet.

dis t’es en colère ? les filles ont des cheveux au creux de la nuque et c’est beau, comme les pouces de noam qui s’attardent au bord de ses hanches secouées de spasmes. elle ne sait pas si le plafond est à droite ou à gauche, exactement quand louve l’amène jouer dans le labyrinthe que devient l’appartement. si les poignées de leurs portes disparaissent au fur et à mesure les occupants prennent des ailes déplumées sur leurs dos. ah noam pourquoi t’aime ça à c’point ? c’est démentiel, elle finit pas courir le long des membres de louve qui s’échappe, elle veut trouver la lune peut-être. mais le silence vient, et les frénétiques basses cognent moins le parquet au bout du couloir, noam cligne des yeux deux fois. elle s’attendait à l’océan sous ses pieds, louve sait pas nager. de deux mains qui soutiennent et retiennent le pire, la porte s’ouvre, noam donne un petit sourire à son amie, prudemment vient la pousser à l’intérieur. entre les tableaux et les verres y a la folie qui prend deux bêtes sauvages occupées à la cage d’escalier comme des fauves empêtrés dans l’incendie cruel, ses curieuses ovales s’y attardent et elle revient. y a une noam qu’elle aime pas ici, une noam qui fait attention et qu’aimerait lire les pensées de moriathy. puis elle voit à la fenêtre, le ciel qui l’appelle un peu. encore une fois ivre, encore une fois la gravité l’écoute pas. j’ai envie d’me battre, dit-elle, en s’approchant des murs, les jambes fatiguent, mais le reste empire.

   
flames just create us,
burns don't heal like before.

la louve erre, s'accrochant aux murs tant que son équilibre se brise pas. les éclats de son s’abattent sur leurs tympans. elle tangue, son oreille interne lui fait la misère. elle passe à deux doigts de sombrer, s'mord les lèvres pour trouver le courage de rester debout. faut pas qu'elle tombe, si ses genoux se heurtaient au sol, on verrait la naissance de nouveaux bleus, et ce serait l’hécatombe - lou a plus l'droit d'se blesser. elle a promis (juré, craché) qu'elle ferait plus de bêtises, et son homme, elle le met déjà assez souvent en colère, la gamine. elle veut plus altérer sa peau, même d'une griffure, de peur de l'voir pousser une nouvelle gueulante et de se retrouver comme un chien à baisser les oreilles. ça rend les choses oppressantes que de l'aimer autant; voilà c'que concentrent ses éclairs de lucidité, réfléchir à la portée de ses actes, tout le temps. et quand une certaine veut éviter de tâcher son épiderme, l'autre semble vouloir s'adonner à des plaisirs violents, sacré duo. mais lou, définitivement, ne supporte pas ça - l'besoin de cogner sur les autres coule pas dans ses veines. la violence, c'est pour les crevards. soupire-t-elle, effleurant l'épaule de no. mais on peut toujours faire semblant.

quand elle était petite, maman lui parlait de télépathie, même si elle doute, ce soir que ça marche, préfère garder le vernis turquoise contre l’mur, les rayures se feront et le proprio sera en colère - ah non c’est pas wellington, ici, c’est vrai - pourtant elle est presque sûre, le front contre la fenêtre qu’elle a vu passer deux étoiles curieuses, des étoiles qu’habitaient la résidence de son adolescence. oui elle se souvient, elle s’asseyait sur les escaliers, le walkman coincé dans une main, les yeux levés sur les bâtisses colorées, et plein d’souvenirs en tête, elle s’excuse à louve, elle veut plus penser à ça. désolée, je sais, je sais qu’ça fait plus de mal que de bien. le bout d’ses doigts tape contre la vitre, elle lâche l’affaire. de toute façon, elle a pas le choix, elle voit plus droit, et si louve lui sauve pas la vie, quand elle grimpera sur les tuiles, ce sera l’inverse. elle a dit qu’elle ferait attention maintenant, elle a dit qu’elle envisagera plus de se promener sur les rayures de l’autoroute, elle a dit qu’elle éviterait de tomber. et elle essaie de s’écouter. faire semblant ? répète la brune, comme dans une chanson, noam fait grimper le sourire sur son visage, elle a ces couleurs insolentes, au creux de la nuque, elle a des idées folles, elle a des idées alcool. t’es pas sage, ma louve. elle voit tout arc-en-ciel, elle a encore fumé le joint d’soen.

   
flames just create us,
burns don't heal like before.

boire des océans d'alcool, c'était peut-être pas une bonne idée. elle se le dit, louve, maintenant que les murs tanguent comme si elle était dans un bateau. ça lui file le mal de mer, un peu, mais c'est pas le titanic, et les glaçons dans son verre l'empêcheront pas de rejoindre la terre ferme. car lou retombe sur son cana(ux)pé de sauvetage. mais si. je suis sage ! déclara-t-elle, l'air à peu près sûre d'elle, retournant soudainement sur ses deux jambes, attrapant une bouteille de rhum à la volée. instable, la gamine. elle tient plus en place, marche plus très droit, jongle avec sa bouteille de pirate. elle croit toucher les étoiles, se glissant sous le bras de no. est-ce qu'elle les voit, elle aussi, les étoiles? elle a un sourire de mois de juillet, no, et les yeux rouges d'un lundi en rentrant du travail, ou d'un samedi hypnotisé par ces substances bio hallucinantes. les yeux rouges fluo. ça va bien, no? l'appartement commençait déjà à s'éteindre, et les paupières à se fermer. les corps entassés faisaient froid dans le dos. c'était le moment de rentrer, d'aller se tuer sur la route en roulant trop vite. en route, capitaine.

petit poisson, les yeux tout ronds. elle savait plus dire non, elle s’est tournée vers louve, les dents qui souriaient comme dans les pubs pour dentifrice - mais sans y croire plus qu’avant - elle a dit oui, ça va. sur le ton d’un triste “je vais m’en aller.” à ne plus penser, seulement la suivre, dans la nuit qui les adoptait, noam a passé une main autour de sa taille, elle s’est mise à chanter, comme les gosses qui savent pas rentrer en se faisant discrets. y avait cet accent britannique qui lui allait bien, elle l’avait travaillé, plus petite, on lui disait que les garçons aimaient bien ça. je te suis capitaine. elle s’entraînait au téléphone, les gens répétaient que sa voix était charmante. ce soir elle s’emportait sa voix, des petites bouffées de galaxie qu’elle pouvait bien prendre, et puis noam voulait se taire, en ayant tellement à dire. enfin, elle se pencha, près des cheveux retombant contre les épaules de la brune qui la soutenait, elle a attrapé la bouteille, pour que louve reste bien debout. je crois bien que j’étais amoureuse, répond doucement la petite.

   
flames just create us,
burns don't heal like before.

la voix de no s'était éteinte juste pour trois mots. ça résonnait dans les oreilles de lou comme une mélodie qu'elle se forçait à jouer, comme des doigts qui dansait machinalement sur un piano. elle jouait le même concerto depuis trois cent ans. c'était moins drôle quand no mentait et que les vrais émotions restaient coincées au fond de sa gorge. mais à peine se mettait-elle à chanter que c'était déjà oublié, et lou connaissant cet air, osa l'accompagner de quelques notes qui s'échappaient maladroitement d'entre ses lèvres. amoureuse. ça crevait les yeux que noam était amoureuse. (elles étaient amoureuses.) de qui? lou cherchait la voiture de no dans la pénombre, à la manière des deux lucioles qui avaient perdu leurs tentes. elles étaient tombées dessus par hasard, à proprement parler, car la douce s'était étalé sur le capot. elle n'y voyait plus clair. qui aurait cru que c'était cette grosse masse engloutie par la pénombre, leur carrosse? et c'est maintenant qu'tu me le dis ! lou aimait pas les secrets, enfin- ceux qu'on ne lui confiait pas. un peu emportée, elle avait presque claqué la porte. bon, c'est pas grave. parle m'en.

achever l’histoire d’un coup de pelle, ou lever les yeux septique, et se confier, bourrée ? elle aurait eu deux ans de moins, ses petites ovales froides auraient déjà fui. mais s’il lui avait bien appris une chose, c’était de raconter de belles histoires. elle se disait, en retombant dans les rues qui épousent leurs jambes fatiguées, que y avait de quoi en faire un bouquin passionnant - sur ce gars et cette fille, qui s’aimaient à en percer le ciel de nuages, avec toute la magie que fait le temps sur les mots - de tout retrouver dans un coffre, plus que des souvenirs, noam qui gardait encore collé au mur, son visage d’ange qui ne s’oublie pas. tu me rappelles tout ça. avec tes yeux tout beaux. son amour ? elle jalouse ceux qui posent un œil curieux dessus, elle n’a pas envie d’y mettre un nom. pour louve, elle sort de ce silence, une minute, à tourner les clés dans le mécanisme mal huilé de la caisse, elle ouvre la portière, s’y appuie, une main nerveuse, rabaissée vite. désolée. c’est. c’était pas assez clair pour moi. elle vient poser sa tête sur celle de la voiture, bras croisés. elle l'a dans les oreilles, comme une mélodie qui sait pas s’en aller. soen. il est tombé du toit. quand on s’est disputés, il est tombé du toit et il m’a demandé… comment il pourrait vivre sans moi ? je savais pas comment. moi-même, j’ai voulu répondre et il est tombé. il est juste tombé. je suis restée là sans rien faire comme- une conne. j'ai pas bougé. mais noam, et le début de l'histoire ?

   
flames just create us,
burns don't heal like before.

lou ne comprenait pas tout. sans savoir si la vie habitait toujours soen, elle voyait la scène. elle la suivait des yeux, l'étoile filante de no qui venait s'éclater sur le bitume. que restait-il de cet astre? ça lui serrait le cœur tant bien qu'elle s'était soudainement calmée, posant un regard admiratif sur noam. elle était forte, cette gamine. tellement forte que ça rendait louve honteuse. elle savait qu'elle survivrait pas à des nuits éternelles, si elle perdait son soleil. noam semblait réussir à mettre les pages noircies de son livre de côté, elle avait fait briller ces canines toute la soirée. elle rayonnait de l'extérieur quand bien même le chaos régnait à l'intérieur. il est juste tombé, répéta louve d'un ton résigné. l'autre était restée à l'extérieur de la voiture et lou ne voyait que ses jambes tremblantes, elle les fixait de ses grands yeux mouillés. elle tourna vivement la tête pour cacher sa sensibilité exacerbée qui avait été touchée à vif, écrasant son front contre la vitre. dans un soupir, elle s'avoua être désolée pour elle et essuya ses joues noyées d'un revers de manche. l'alcool décuplait tout et son esprit s'échouait au sol avec le corps d'une autre comète. sa main patiente attendait que son amie se pose sur le siège pour venir attraper son genoux. t'es courageuse. beaucoup plus que les autres.

elle a regardé loin, elle s’est dit que ça passait, mauvais cachet au creux de sa gorge. elle a posé sa main tiède dessus, noam, glissé des doigts glacés au bord de sa nuque, un appel à l’aide au vide, y a avait rien d’apaisant à se souvenir du jour terrible, y avait rien. alors la brune se penche et puis étend son grand sourire, d’un s.o.s affreux, tombe sur le siège qui la plante dans l’intimidant silence. louve est tout près, mais c’est la théorie dramatique qui se répète, au moins vingt-deux kilomètres d’écart pour no. - s’il fallait s’en aller, encore, elle n’allait pas y arriver, pas une troisième fois. - c’est louve qui la ramène et elle lui donne des yeux éteints, des yeux qui ne savent plus rien faire, sinon se fermer un instant et se couvrir de paumes secouées de spasmes. le contact, grisant, va exploser en un million de sentiments, alors, noam se jure de pas se faire attraper ce soir. car tout se déployait au dessus d’elle, les étoiles dansaient un peu dans le ciel, elle buvait beaucoup, beaucoup, noam. et puis les mots de louve, traversent la bagnole ouverte, un peu envahie par l’heure tardive. je suis lâche. je suis- lâche. y a deux âmes perdues, dans cette voiture, et une se reprend. (car elle ne sait pas si elle saura se relever ensuite), elle allume la radio, c’est une vieille chanson qui passe. un truc des années quatre-vingt, elle se met à rire, incontrôlable. dis, à quel point tu l’aimes, cèzanne ?

   
flames just create us,
burns don't heal like before.

la radio se met en route et grésille un peu. lou s'perd sur les ondes, dans le rire de de no qui s'mêle à la mélodie. à peine a-t-elle prononcé son prénom que le visage de cèz vient se loger dans son esprit. et ça, c'est une dose suffisante de réconfort pour oublier l'histoire triste. suffisante pour faire sauter la barrière et laisser le visage redevenir œuvre d'art, y dessiner une moue idiote, esquisser un sourire. elle se repose la question, à elle-même. les poils s'hérissent sur les bras et le manque se précise. je donnerais ma vie pour la sienne. et c'était sorti d'une façon terrible, sans la moindre hésitation. depuis, elle fixait noam, l'air grave. il est comme une évidence. une putain d'évidence. s'il fallait trouver un point, comme lorsqu'on dépouille les pâquerettes? un peu, beaucoup.. à la folie? passionnément. elle pensait à lui sans répit depuis que no en avait parlé. l'démon s'était logé dans sa tête et elle frissonnait d'amour. le visage de la fugueuse de fou était sombre et soudain, la louve se sentait coupable de la trouver aussi belle. c'était une belle fille. et dans sa pauvre tête, ça sonnait déjà comme un crime.

le moteur fait le bruit d’un chat qui sort de la plus longue sieste de sa vie, le porte-clef caressent le tableau de bord d’un cliquetis incessant, pendant que les yeux de noam finissent sur le tapis de sol. cette vieille boîte de conserve est plus réconfortante que n’importe quelle bouteille de tequila. elle sentait grimper sur ses bras gelés l’angoisse d’une fille bancale. une fille qui aime probablement beaucoup mais qui n’a pas ouvert les vannes et a préféré le silence - ces silences qu’on attrape à la volée, parce que c’est pas une vie idéale, et tout le monde ne se marmonne pas de vérités au sommet d’un toit, avec un peu trop de rêves dans le sang. et le sang, il est monté à la tête de no. mais qu’est-ce-que j’ai fait pense-t-elle ? elle aurait encore pu raconter des tas de choses qui allaient de paire avec l’année passée à louve. seulement, lui dire qu’elle avait été le voir, qu’elle avait traversé les couloirs aspirine de l’hôpital le plus réputé de Bristol pour le trouver dans un lit, elle y tenait pas. je te ramène à la maison ? en tournant la clé dans le contact, elle sait que maison, ça veut dire cèzanne, elle sait aussi qu’elle dormira seule ce soir. elle sait qu’elle pleurera sans doute, une clope au bec, posée sur son balcon, stupide comme elle est.