Il y a quelques mois.. Paisible fin de soirée dans un bar comme les autres. Bière, pisse, sueur, saleté. C'est un endroit sale, où l'on ose même se demander si, parfois, quelqu'un passe le balai. Mais, je suis habituée à ces odeurs-là, et depuis bien longtemps. C'était pareil, à Detroit. On avait qu'des bars de merde qui empestaient, remplis d'ivrognes, de clochard, de chiennes et de gangster.. Et il y avait nous, les mauvaises filles, et mauvais garçons. Accoudée au bar, j'observe, j'attends. C'est une de mes soirées pourries, celle où je ne supporte plus cette vie de démence à attendre qu'
il revienne. J'ai beaucoup fumé, beaucoup bu. La douleur s'atténue doucement, l'alcool l'endort à un rythme certain. Derrière moi retentit un rire idiot, lancinant.
« Tu rigoles ? J'suis sûre que même un enfant de quatre ans pourrait la casser en deux, cette gamine. » Je me retourne. Je vois une femme, la trentaine. Jupe courte, maquillage vulgaire, décolleté plongeant, bijoux en toc, talons usés. Elle me fixe avec un sourire narquois, un vieil homme est à côté d'elle, sa main cherchant tant bien que mal à s'approcher du garage à bite qui lui sert d'entre-jambe.
« Oui, c'est de toi que je parle, ma petite. » Mon regard s'assombrit, et je crache mes mots pesants.
« Et toi, salope? T'es bonne qu'à te faire péter le cul. Retourne donc sur ton trottoir, ou c'est toi qui risque de finir par te faire casser en deux. » Je reste calme malgré tout, retournant à mon verre de vodka. Car oui, tant que j'use de mes mots et pas de mes poings, on peut considérer que je suis calme. Autour de nous, il n'y a plus aucun chuchotement. C'est le silence complet. Elle se racle la gorge avec insistance alors, à nouveau, je me tourna pour poser mon regard sur elle. En l'espace de quelques secondes, je pus apercevoir -et sentir- la chaise qu'elle m'éclatait au visage. Je m'étala contre le bar, lamentablement, palpant mon visage, tâchant mes doigts de sang. Je me releva brusquement et frappa à mon tour, commençant à la marteler de coups sans plus pouvoir arrêter. Le combat finissait à terre, entre les vieux mégots. J'abimais encore et encore son visage hideux, ses vêtements aux couleurs criardes s'imbibant progressivement de son sang, et aussi du mien. Elle l'avait cherché, elle était allé trop loin. Je lui rendais la monnaie de sa pièce, voyant rouge. Et là, les flics sont arrivés, sans même que je m'en rende compte. Mon visage pissait le liquide haineux qui coulait dans mes veines et cette conne était restée là, pliée en deux, sur le sol couvert de crasse. Ils m'embarquèrent alors que la colère grondait toujours en moi, dévastatrice.
Après une partie de la nuit passée dans ces jolies cellules sombres, un gardien débarqua avec son air à moitié endormi. Heureusement, personne ne se doutait dans ce commissariat de ce que j'avais pu faire de pire, par le passé.
« Quelqu'un a payé votre caution Mlle Peters. » Un peu ahurie par la nouvelle, je récupéra mon sac avant de sortir, retournant dans le froid glacial. Il n'y avait dehors qu'une seule voiture, de loin je distinguais la silhouette d'un mystérieux inconnu, plutôt familière. C'était un mec plutôt grand, et de dos, je pouvais constater qu'il ne s'agissait pas de Brandon, ni de Killian.. Etrange. Une épaisse fumée blanche s'échappait d'entre ses lèvres. À quelques mètres de cet homme, je pus enfin distinguer son visage. Et la réalité me sauta au visage, me tétanisant. Un tsunami, un blizzard, un tremblement de terre, un cataclysme total balaya ce parking. Tom était devant moi. Ça semblait réel, et pourtant j'étais totalement abasourdie.
« Tom? C'est vraiment toi ? » Impossible. Je devenais folle, ouais, c'est ça : je délirais. Dans ce cas-là, j'allais être internée, et je finirais dans un hôpital. Non ! Pas question. Pas de mur blancs, pas de camisole. Tout allait bien.
Je m'approcha en vitesse, toucha son visage, doucement, essayant de me convaincre qu'il était bien là en face de moi. Et, soudainement, un sourire étira mes lèvres, et je lui sauta au cou, le serrant fort contre moi, sans un mot. Je ne me souciais pas de ce qu'il penserait de moi, de mon visage blessé, ma lèvre ouverte. Je me contentais de le serrer de toute mes forces contre moi, j'étais heureuse, étrangement euphorique. Trois ans sans lui, trois ans.
« Tu m'as tellement manqué.. » lui chuchotais-je faiblement au creux de l'oreille.
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